Du 6 au 9 octobre prochain se tient le 2e Sommet international des coopératives organisé conjointement par le mouvement Desjardins et l’Alliance coopérative internationale (ACI). La CRDC est partenaire de cet événement. Elle y organise un forum d’échange avec quelques grandes organisations comme la FAO, les RMB, INAISE. Le programme a pour thème : La transition écologique de l’économie et la solidarité internationale : quelles priorités pour les coopératives et les mouvements sociaux ? Ce rendez-vous de portée internationale est ouvert à tous les militants et dirigeants de mouvements (coopératives, mutuelles, syndicats, associations) de même qu’aux membres des organisations de coopération internationale (OCI). Pour une vue d’ensemble qui vous donnera un avant-goût des échanges à venir lors de ce rendez-vous international, ne manquez pas le cahier spécial du Devoir de jeudi prochain le 2 octobre.

Dans le cadre de ce blogue nous vous présentons un 3e billet qui approfondit certains aspects de la transition écologique de l’économie. Le premier portait sur « La transition énergétique de l’économie, l’enjeu du transport collectif » (signé par un chercheur de l’IREC, le sociologue et économiste Gilles Bourque). Le second portait sur « L’agriculture, les économies de proximité et la transition écologique au Nord et au Sud », un deuxième billet signé de Louis Favreau. Ce 3e billet porte sur la finance solidaire et la solidarité internationale dans une perspective de développement durable.

1. Canaliser des épargnes d’ici pour le développement au Sud : une nouvelle piste pour la solidarité du Québec avec des communautés du Sud ?

Au Sud, à la fin des années 1990, le succès du micro-crédit a ouvert la porte au développement de la finance solidaire laquelle englobe toute une gamme de services financiers à destination des communautés concernées : épargne, crédit, assurance, systèmes de prêt rotatif, fonds d’investissement dédiés aux PME locales…

C’est que l’un des problèmes et non le moindre des communautés du Sud a trait à la condition socioéconomique de la majorité de leur population caractérisée par le manque de patrimoine, le manque de revenus fixes et le manque de relations pour obtenir du crédit. Bref il leur faut une épargne pour le développement et ce qui va avec c’est-à-dire des services de crédit non seulement pour la consommation des familles mais aussi pour le soutien au développement des économies locales. C’est pour répondre à cet enjeu que la coopération internationale de proximité du Québec propose au gouvernement de mettre en oeuvre un projet de Fonds dédié aux PME collectives des pays du Sud. Cela découle directement du document produit par le comité conjoint AQOCI-MRI fin décembre 2013. Ce projet s’inscrivait dans un projet plus global d’une future agence québécoise de solidarité internationale (AQSI). Avec l’arrivée récente du PLQ au pouvoir, la donne a très probablement changé pour le projet d’une AQSI mais peut-être pas pour le projet d’un Fonds dédié.

Des OCI québécoises inscrites dans cette démarche

Des OCI du Québec se sont dans les dernières années engagées dans cette voie comme la Caisse d’économie solidaire Desjardins avec des caisses rurales au Brésil, comme UPA DI avec des organisations paysannes en Afrique de l’Ouest, comme DID et SOCODEVI avec dans le soutien à des institutions de micro-finance (IMF) dans de nombreux pays du Sud. C’est aussi une des directions que prend présentement le Fonds Solidarité Sud dans son soutien à des communautés du Sud.

Les économies de proximité : quand la finance solidaire permet d’aller au-delà de l’offre de crédit

Comment la micro-finance solidaire fonctionne-t-elle concrètement? Au Pérou par exemple, une famille (père, mère; leurs deux fils et leurs épouses) cultive huit hectares de café biologique. Grâce à un prêt de la coopérative La Florida, pour sa mise en marché, le café de cette famille et de bien d’autres est aujourd’hui commercialisé collectivement. Autre exemple encore plus probant : au Sénégal, des familles paysannes obtiennent un prêt auprès de la Caisse rurale de leur organisation, l’Union des groupements paysans de Meckhé qui regroupe 5 000 membres exploitant 2 050 terres agricoles. Cette organisation a d’abord mis sur pied une caisse rurale d’épargne et de crédit (en collaboration avec une ONG française) puis a développé un système de prêt rotatif adossé à un programme de formation (en collaboration avec UPA DI) qui débouche sur un plan d’affaires et un prêt variant de $500 à $1000. À cette hauteur ce type de prêt permet de mettre les paysans qui empruntent de cultiver à temps plein leur terre (arachides, mil, manioc, haricots) ou démarrer des élevages (de moutons par exemple). Notre coopération avec le Sud, à une plus grande échelle, i.e. un Fonds québécois regroupant une partie des finances des OCI et l’implication des fonds de travailleurs, permettrait d’aider à solidifier les leviers de développement d’un bien plus grand nombre d’initiatives de ce type.

La chaîne de solidarité Nord-Sud derrière cette finance de proximité

C’est une chaîne de solidarité à quatre maillons : a) un investissement solidaire de Québécois (épargnants et investisseurs) organisés à partir de fonds de développement dédiés (associatifs ou coopératifs) ou, à plus grande échelle, d’un fonds québécois ; b) des OCI présentes sur le terrain dans le Sud; c) un cofinancement avec des partenaires du Sud (ONG, caisses d’épargne et de crédit, organisations paysannes…); d) des micro-entrepreneurs (dans les secteurs de l’agriculture, du commerce, de l’artisanat, de la construction, etc.) qui sont les bénéficiaires des prêts [1] .

Qu’est-ce qu’un système de prêt rotatif?

Le prêt rotatif est un financement autorisé par une ONG et/ou par une caisse d’épargne et de crédit. Il est sous gestion d’organisations locales comme une organisation paysanne ou une association centrée sur la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus. Ce prêt permet à une famille, un groupe de jeunes ou une coopérative de financer son développement en investissant dans un projet d’entreprise pour son démarrage, sa consolidation ou son développement dans le cadre d’une démarche collective d’adhésion des emprunteurs à un projet dans lequel le prêt permet d’aider ce premier projet puis de nouveaux projets avec la même somme de départ. Et l’expérience démontre que le taux de remboursement est généralement très élevé.

Cette micro-finance solidaire [2] est un des rares outils de développement à avoir été conçu en grande partie dans des pays du Sud et qui est adapté aux communautés locales du Sud. Dans le cadre de la coopération internationale de certains pays, en Europe surtout, elle s’est solidifiée simultanément aux autres actions de solidarité internationale, souvent à l’initiative d’ONG, de coopératives ou de syndicats agricoles. Il y a là une grande proximité avec l’histoire au 19e et 20 siècles de ces mouvements au Nord, de façon notable au Québec

Beaucoup d’institutions de micro-finance (IMF) ont été au départ des ONG de développement qui ont été amenées à diversifier leurs activités et se sont petit à petit consacrées à soutenir des activités génératrices de revenus. Simultanément des coopératives ou mutuelles ont commencé à octroyer également des microcrédits adossés à de l’épargne afin de répondre aux besoins de leurs membres. Petit à petit le secteur de la micro-finance s’est développé et s’est professionnalisé avec l’arrivée d’établissements bancaires qui ont adapté leurs produits au contexte et à l’échelle de la micro-finance aidée en cela par des OCI d’ici et d’Europe notamment.

Un paysage varié

Aujourd’hui le paysage global de la micro-finance est très varié. Certaines de ces initiatives, en grandissant, ont changé de statut pour devenir de véritables institutions financières locales contrôlés par leurs membres. Aujourd’hui, en moyenne, ces dernières peuvent être financées à hauteur de 75% par du financement local et à 25% par des lignes de crédit provenant de fonds d’investissements coopératifs ou mixtes et des bailleurs internationaux (agences de développement et fondations).

Plusieurs OCI au Québec peuvent s’emparer de cette stratégie de développement c’est-à-dire un dispositif financier tout simple qui a une finalité sociale. Mais ce dispositif amène aussi avec lui un changement de modèle de notre coopération avec le Sud: ne plus miser uniquement sur une logique de don, miser également sur les épargnes collectives et individuelles des uns (au Nord) et des autres (au Sud) pour faire du développement dans leurs communautés et sortir d’une économie confinée dans la subsistance. C’est ce qu’on appelle aussi le développement de l’intérieur, une économie de proximité « sédentaire » sur laquelle peut appuyer le développement économique et social des communautés et plus largement favoriser la démocratisation de l’économie.

2. L’AQOCI et ses pistes de sortie de crise pour la prochaine décennie

Dans les années 1960-1970, pour l’essentiel, le terrain de la coopération internationale était occupé par deux joueurs. En mode majeur, l’État canadien. En mode mineur, de petites et moyennes ONG en plein développement. Nous n’en sommes plus là : à partir des années 1980-1990, les acteurs se sont diversifiés : maisons d’enseignement et centres de recherche universitaires, municipalités, syndicats de travailleurs, organisations d’agriculteurs et coopératives. L’État du Québec commence également à s’en mêler directement avec l’arrivée du Parti Québécois au pouvoir en 1976. C’est un coup d’envoi concomitant à celui de la création de l’AQOCI la même année, laquelle regroupera la très grande majorité des OCI du Québec. Puis, dans les années 1990, les relations entre le Québec et l’ACDI se refroidissent. Québec songe alors à créer une Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI). Un premier dispositif est mis sur pied : un secrétariat à l’aide internationale en 1997. Mais nous voilà en 2011 avec le grand coup de pied du gouvernement fédéral dans les OCI progressistes qui se voient drastiquement couper les vivres. Que faire alors pour se redéployer ? Un comité conjoint de l’AQOCI avec le ministère des relations internationales (MRI) s’en est chargé l’an dernier.

Le document de travail de ce comité conjoint est sorti à la fin de l’année 2013. Il fut présenté et fort bien reçu à une AG spéciale de l’AQOCI peu de temps après. Que contient ce document d’orientation de plus de 50 pages ?

45 recommandations qui couvrent tout

Les recommandations couvrent tout et se fondent sur une consultation menée auprès d’une quarantaine d’organisations en provenance des OCI, des syndicats, des coopératives, des municipalités, des maisons d’enseignement, le tout adossé à 15 recherches d’appoint. Mais ces 45 propositions s’appuient, à notre avis, sur deux socles : le document est très clair sur la nécessité d’une Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI) pour l’avenir de la chose dans la prochaine décennie. Une autre avenue, relativement nouvelle, a aussi émergé à titre de proposition stratégique, celle d’un Fonds de développement, en partie doté par l’État québécois et dédié aux PME collectives (coopératives et autres) dans les pays du Sud, faisant du prêt et de la garantie de prêt. À la CRDC, dans le cadre de nos activités au GESQ, nous avions mené enquête sur cette dernière hypothèse car des fonds dédiés de cette nature existent ailleurs et çà marche. Nous l’avons présenté au comité conjoint lors de sa consultation.

Objectifs, mission et orientation de la solidarité du Québec avec le Sud

D’abord le document dont l’intitulé est Document de réflexion sur la création d’une Agence québécoise de solidarité internationale distingue bien la « solidarité » de la « coopération », la première étant davantage axée sur le partenariat, l’égalité et le partage dans des actions qui contribuent et appuient les efforts de développement du Sud. Puis il plonge dans les objectifs de cette AQSI : coopérer avec les populations et pays partenaires dans leurs efforts de prise en charge de leur développement. Plus concrètement, le document recommande la mise en place d’un pôle de concertation et de coordination des diverses actions québécoises en solidarité qui devra inclure tous les acteurs concernés (organisations de la « société civile », ministères et autres dispositifs publics).

À noter que le document avance la création de cette nouvelle agence dans le contexte international de l’Agenda post-2015 de l’ONU qui considère le « développement durable » comme étant au coeur des débats à venir.

La gouvernance de l’AQSI, ses acteurs, son financement, ses secteurs d’intervention

Toujours selon ce document, l’AQSI serait autonome tout en inscrivant dans le ministère concerné. Il serait doté d’un Comité consultatif, d’un budget minimal de 50M$ commençant la première année par un budget de 10 à 12M$ le tout sur un horizon de trois ans. Une des principales pistes de financement annoncé est de mettre en place un Fonds d’investissement québécois de solidarité internationale dédié. Quant aux secteurs prioritaires d’intervention de l’Agence, il y en aurait entre cinq et sept là où le Québec «possède une valeur ajoutée». Éducation et formation professionnelle, développement coopératif, droits humains, agriculture et économie sociale figurent en tête de liste. Une règle particulièrement perspicace du 80-20 serait mise en application (80% pour les secteurs prioritaires déjà identifiés mais 20% des projets allant à l’innovation). Les pays d’intervention priorisés seraient ceux de l’Afrique francophone, de l’Amérique latine et Haïti. Et perspective qui ne dément pas la tradition des OCI québécoise en la matière: les montants versés à l’aide humanitaire ne devraient pas dépasser 5% du budget de l’AQSI.

Les conditions sont-elles propices à un tel déploiement ?

Avec le gouvernement du Parti Québécois, les conditions pouvaient s’avérer propices. Ce gouvernement s’annonçait plutôt favorable à ce que l’AQSI fasse partie d’un projet ambitieux muni d’un plan d’action structuré et élaboré en collaboration avec l’ensemble des acteurs québécois de solidarité internationale. Cinq éléments apparaissaient nécessaires à la création de cette agence : 1) une volonté politique qui est partagée par tous les partis politiques, la population et la société civile; 2) une complicité avec l’Assemblée nationale; 3) une vision ambitieuse inscrite dans une politique publique; 4) une démarche progressive; et 5) un Comité consultatif qui représente l’ensemble de la société. En grande partie ces conditions du développement d’une telle AQSI ne sont plus là. En revanche le projet d’un fonds dédié retient toujours l’attention.

Le comité conjoint a fait un travail titanesque. En témoigne la palette des consultations réalisées. Et un travail remarquable de pertinence qui permettra peut-être dans les débats à venir avec le ministère concerné un élargissement des possibles. Mais le scénario le plus plausible paraît être que le projet de Fonds dédié se mette dès maintenant en place avec deux acteurs majeurs sans attendre le soutien du gouvernement actuel: 1) la convergence d’une majorité d’OCI canalisant leurs fonds de réserve et/ou leurs fonds de dotation dans cette direction ; 2) l’implication des fonds de travailleurs qui s’y connaissent en la matière, question d’assurer sa viabilité économique. Aujourd’hui, c’est l’AQOCI qui contrôle maintenant la feuille de route d’un tel projet.

3. La finance solidaire participe de l’internationalisation en cours de la coopération de proximité

À l’heure de multiples rencontres internationales pour développer des alternatives économiques viables et plus écologiques comme celles de l’Alliance coopérative internationale (ACI), celles de l’association des Rencontres du Mont-Blanc (RMB), du Sommet Desjardins/ACI et de l’Association internationale de la finance solidaire (INAISE)…) de même que celles des Forums sociaux mondiaux, du mouvement syndical international (la Confédération syndicale internationale), du mouvement agricole et paysan et le déploiement des réseaux de commerce équitable, il est fort utile de prendre la mesure de l’engagement québécois dans cette internationalisation des solidarités qui fait émerger des modèles de développement pouvant s’attaquer davantage aux fondements des inégalités sociales et à l’urgence écologique.

En fait l’urgence écologique croise l’urgence de la solidarité internationale. Sur une planète où les défis ne se jouent plus uniquement sur le plan local et national, l’internationalisation des solidarités s’impose plus que jamais. Le dernier rapport des experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, est formel : l’ensemble des pays du monde risque d’entrer dans un inconnu climatique. Et ce risque énorme pourrait nous arriver dès 2030 nous disent ces experts. «Laisser-faire» aurait un coût qu’on commence enfin à évaluer y compris aux États-Unis qui ont subi en 2014 un hiver particulièrement rigoureux dont les autorités se rendent enfin compte aujourd’hui qu’il est dû à l’empreinte écologique humaine et qu’il a un effet direct sur l’économie semblable à celui des inondations ou des sècheresses en d’autres saisons.

Les mouvements sociaux (coopératives, syndicats de travailleurs, associations communautaires, OCI et organisations d’agriculteurs), grâce en bonne partie aux écologistes, se sont progressivement emparés de ces deux enjeux, même si cette prise de conscience est à géométrie variable. Ces mouvements ne sont cependant plus seuls à vouloir occuper cet espace. Un capitalisme vert a émergé. Les assurances ont été le premier secteur du privé à sonner l’alarme. Puis a émergé un secteur privé directement engagé dans les énergies renouvelables. Et plus récemment certaines multinationales ont bien vu venir les pertes qu’ils encouraient si rien n’était fait : Coca-Cola par exemple qui se sait menacée dans son approvisionnement en eau ou en canne à sucre par des évènements climatiques ou encore Nike, présente par 700 usines dans 49 pays, qui a été affectée en 2008 par des fermetures d’usine dues aux inondations (Corine Lesnes, dans Le Monde et Le Devoir, 25 juin 2014). Sans compter certains leaders du monde des affaires qui s’inquiètent du réchauffement climatique (voir le rapport de l’ONU The New Climate Economy Report cité dans Le Devoir du 20 septembre dernier et le rapport Risky Business du groupe Rhodium cité dans le même journal du 28 juin dernier). Mais là s’arrête la convergence, celle de partager un même constat de gravité de la bête.

Car s’entendre sur des solutions entre organisations et institutions ayant souvent des intérêts en grande partie opposés est une toute autre histoire. Retenons cependant, qu’à l’intérieur même des mouvements, on assiste à certains rapprochements qu’on n’espérait plus. C’est notamment le cas entre syndicats et coopératives au plan international mais aussi au plan national comme le traduisent bien les deux exemples qui suivent :

Syndicats et coopératives se retrouvent selon l’OIT

Dans le monde entier, les syndicats et les coopératives se redécouvrent mutuellement et unissent leurs forces pour sauver des entreprises et des emplois. Une analyse de l’OIT.
…Au Brésil, par exemple, le Syndicat des métallurgistes de l’ABC (SMABC) a réussi à sauver de la faillite la plus importante forge industrielle d’Amérique latine, Conforga, il y a plus de dix ans, en permettant aux travailleurs de devenir propriétaires de l’entreprise. Fort de cette expérience, il a ensuite aidé à établir la nouvelle Centrale des coopératives et entreprises solidaires.
… le Syndicat unifié des travailleurs de la sidérurgie (USW) aux Etats-Unis et au Canada a exploré avec l’idée du modèle hybride de « coopérative syndiquée », développé en partenariat avec la Fédération coopérative Mondragon, installée au Pays basque espagnol.
http://recma.org/actualite/renouer-les-liens-syndicats-et-cooperatives-se-retrouvent

Faire mouvement : par delà le souhaitable, quel est le possible?

Monique Leroux, présidente du mouvement Desjardins

Parlant les thèmes prioritaires de la 2e édition du Sommet international des coopératives, figurent la sécurité alimentaire, la santé et les services à la personne, Mme Leroux, la présidente du mouvement Desjardins disait récemment:

Au Sommet, nous allons nous demander si nous pouvons contribuer davantage en matière de création d’emplois, d’innovations ou de soutien au développement des entreprises….Et d’ajouter qu’il peut être difficile de confier des problématiques liées à la santé ou à la sécurité alimentaire à des entreprises cotées en Bourse, ancrées sur le retour immédiat aux actionnaires.
Entrevue avec Le Devoir, 6 septembre 2014

Cette vision des choses est on ne peut plus juste. Toutefois les dynamiques conjointes des coopératives et des autres familles de l’économie solidaire ne pourront à elles seules inverser l’ordre des choses. On devra aussi compter sur l’engagement local, national et international de tous les mouvements que ce soit les syndicats, les organisations paysannes, le mouvement des femmes, le mouvement des écologistes ou les organisations de solidarité internationale (ONG et OCI) de la planète. On devra de même compter sur celle des États les plus progressistes afin d’ouvrir de grands chantiers prioritaires dans la prochaine décennie, autrement dit des initiatives de caractère stratégique notamment celles qui peuvent relancer ou solidifier l’agriculture familiale au Sud, favoriser la transition énergétique de l’économie, recomposer notre solidarité internationale, assurer notre présence dans les espaces créés par les institutions internationales pour que les prochains OMD soient des objectifs poursuivant une mondialisation durable.

Et pour y arriver, le travail de fédérer et de confédérer les initiatives à toutes les échelles (locale, nationale et internationale) est déterminant. C’est la conviction de plusieurs dirigeants d’organisations économiques et sociales. C’est entre autre par là que passe également la question de la représentation politique, de la prise de parole dans l’espace public comme je l’écrivais à l’occasion de la première édition du Sommet en 2012 Le congrès de création de la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2006 en passant par les congrès de l’Alliance coopérative internationale (ACI) en 2009 à Genève ou en 2012 à Manchester, puis au Québec en passant par la Conférence internationale de Lévis en 2010, les Rencontres du Mont-Blanc en France en 2011, la première édition du Sommet international des coopératives piloté conjointement par le Mouvement Desjardins et l’Alliance coopérative internationale (ACI) en 2012 et à nouveau les RMB en 2013 et la 2e édition du Sommet des coopératives cette année, toutes ces initiatives vont dans cette direction. Les organisations partenaires de notre RDV du 6 octobre participent toutes à un titre ou un autre à ces avancées http://w3.uqo.ca/crdc/ Mais elles veulent aller plus loin dans la détermination des priorités.
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En une période aussi courte, bien des choses relativement inédites auront été réalisées. Une des conclusions qui en découle est de dire « sortons d’un travail en rangs dispersés et faisons mouvement ». Sommes-nous en train de le faire ? Pas certain ! Le rendez-vous international que nous tenons le 6 octobre prochain tentera sans doute d’aller dans cette direction en fournissant quelques ingrédients nouveaux à la feuille de route à prendre.

Pour en savoir plus : deux numéros incontournables de la revue Vie Economique disponibles sur la toile

Sur la crise du capitalisme et les réponses des coopératives 
Dans le mouvement coopératif, on semble prendre de plus en plus conscience de la profondeur de la crise et de sa portée internationale. Et que les coopératives, par leur approche, s’en sortent mieux comme entreprises. De plus, ses dirigeants affirment davantage que les coopératives font partie des alternatives économiques à cette crise. Sans compter un diagnostic nouveau de certaines de ces composantes comme les Rencontres du Mont-Blanc (RMB) et, au sein de l’Alliance coopérative internationale (ACI), le réseau international des coopératives de travail (CICOPA) jugeant que les coopératives sont politiquement timides. Ce numéro de la revue Vie économique explore ce qui est en train de changer : 1) une plus forte internationalisation ; 2) une certaine distance critique du capitalisme ; 3) sa légendaire neutralité politique de plus en plus questionnée ; 4) un virage écologique à la faveur de Rio+20, etc. Sommes-nous à la veille d’un important tournant ? 14 auteurs tentent d’y répondre.

Sur la solidarité internationale de mouvements sociaux et des OCI par temps difficiles

La solidarité internationale s’est développée de façon nouvelle entre les mouvements sociaux du Nord et du Sud au cours de la dernière décennie, profitant notamment de l’arrivée des Forums sociaux mondiaux. Cependant le nouvel agenda international de l’efficacité de l’aide (AIEA) a indiqué un changement de priorité des États. L’arrivée d’un gouvernement conservateur au Canada a par ailleurs inversé le modèle de la coopération internationale de proximité existant depuis 40 ans.
Mais à l’heure des Forums sociaux mondiaux et du renouvellement de l’approche internationale des mouvements sociaux, il est fort utile de prendre la mesure de l’engagement québécois dans cette internationalisation des solidarités tout en s’inspirant de pratiques innovatrices ailleurs au Nord comme au Sud. Les futurs modèles de développement sauront-ils s’attaquer davantage aux fondements des inégalités et à l’urgence écologique ? 12 auteurs sont convoqués pour en faire l’examen.

[1] Pour en savoir plus sur ce projet de fonds stratégique dédié, j’ai mis à jour le document que j’avais soumis au Comité conjoint en 2013. Disponible sur le site de la CRDC dans sa page d’accueil, rubrique « Nouvelles publications ».

[2] La finance solidaire, issue de la mouvance coopérative, est intéressante et questionne la place du privé dans ce secteur et ses taux d’intérêts usuraires. Il y a en effet une différence entre les institutions de microfinance (IMF) qui prêtent de l’argent venant de banques privées ou d’institutions financières internationales, et celles qui misent sur une épargne locale qui est ensuite réinvestie dans la collectivité par le bais, entre autres, de micro-prêts. Voir à ce propos le débat de la revue Relations dans son numéro du mois d’août (2014), p. 38 et 39.

 

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