Dans quelle conjoncture politique sommes-nous ? Le devant de scène est occupé par le terrorisme et le dérèglement climatique. Dans un premier temps, j’ai d’abord écrit un article pour la page Idées du Devoir paru le 29 décembre dernier portant sur la conférence de Paris sur le climat et sur les réfugiés victimes des conflits en cours et du terrorisme. Dans ce billet, je pousse plus loin la réflexion.

Dans plusieurs sphères de notre société, on a vu la consternation nous habiter suite aux événements de Paris. Puis il y a eu ce vif sentiment d’impuissance qui a gagné du terrain chez les uns et les autres. En réfléchissant un peu plus à ce propos, je me suis dit que nous étions en train de nous faire avoir par un devant de scène qui cache en fait une arrière-scène de centaines de milliers d’initiatives citoyennes de par le monde qui nous amènent dans une tout autre direction. Analyse d’une situation internationale inédite et de ce que nous pouvons faire pour continuer à changer le monde avec des repères nouveaux liés aux mutations du 21e siècle.

Les changements climatiques et le terrorisme vont désormais se partager la scène internationale

L’année 2015 aura été une année de grandes turbulences internationales. En devant de scène, l’État Islamique (EI) et ses actes de terrorisme au Moyen-Orient et un peu partout dans le monde. L’E.I. est l’illustration la plus marquante du terrorisme d’aujourd’hui. Ce n’est plus un groupe terroriste mais un État terroriste contrôlant des régions stratégiques de la Syrie et de l’Irak, un fanatisme religieux poussé à ses extrêmes, une capacité médiatique de haut niveau et une capacité d’attraction de jeunes y compris dans nos sociétés. Puis il y a cette urgence climatique qui nous campe une situation catastrophique pour la planète et particulièrement pour les pays les plus socialement vulnérables comme l’Afrique de l’Ouest par exemple (inondations, sécheresses, déforestation, perte de biodiversité..).

Parmi les conséquences de ce devant de scène figure une augmentation considérable de réfugiés des zones de guerre s’additionnant aux réfugiés climatiques. Cela donne l’impression générale d’une conjoncture internationale chaotique. Un monde semble se défaire sous nos yeux car l’avenir même de la planète toute entière est menacé gravement tandis qu’un islamisme radical nous ramène un millénaire en arrière. À première vue il semble que nous ne pouvons y faire grand-chose. Un fort sentiment d’impuissance nous parcoure parce que les changements climatiques et le terrorisme vont désormais se partager la scène internationale pour de nombreuses années. On a peine à y croire ! Cette perception qui n’est pas fausse demeure cependant partielle.

Dans un billet de 2011 sur les grandes tendances qui ont changé le monde dans les 30 dernières années, je parlais de la fin des communismes et de la montée des fondamentalismes religieux. C’est toujours vrai. Mais il y a quelque chose de plus qu’on ne soupçonnait pas. Avec la fin des communismes et de ce qu’il fut un temps, une utopie-modèle, le communisme a laissé un vide qui a fourni un terreau fertile pour des idéologies politico-religieuses liées à des fondamentalismes. Bien sûr, il y a celui des Born again christians aux Etats-Unis (70 millions de fidèles) qui essaiment sur toute la planète, tout particulièrement dans un certain nombre de pays du Sud, notamment en Amérique latine et en Afrique anglophone. Mais ce dernier, profondément conservateur, demeure tempéré dans sa façon de faire. L’inédit dans le cas qui nous occupe ici c’est le fondamentalisme wahhabiste de l’Arabie saoudite présent dans de nombreux pays arabes de culture et de religion musulmane (au Moyen Orient, en Afrique du Nord, dans certains pays d’Afrique de l’Ouest) qui est venu nourrir le radicalisme de l’ÉI et de ses semblables.

 

Le tout de cette situation a été adossé, après la chute du mur de Berlin et l’implosion du communisme, à la force montante de la financiarisation du capitalisme laquelle nous a conduit à deux décennies sur trois d’échec du développement dans les pays du Sud (les programmes d’ajustement structurel par exemple). Simultanément, on a vu au Nord la montée généralisée de la précarité du travail. Le nouveau maintenant c’est d’être aux prises avec un islamo-fascisme comme l’Europe des années 1930 a été capturé par la montée du fascisme du IIIe Reich avec Hitler et Mussolini.

Tous les fascismes se ressemblent disait récemment dans Le Devoir du 28 novembre dernier le journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud C’est rigoureusement exact parce que ces derniers pratiquent le déni des autres et ont une vision totalitaire du monde et de la société. Et qu’« on ne se trompe pas, ce qui a lieu présentement n’est pas une guerre de civilisations, mais « une guerre contre la civilisation » ajoute-t-il. Qu’est-ce à dire sinon que cette guerre n’est rien de moins qu’une guerre contre la connaissance scientifique, contre la culture (la musique, les arts), contre le plaisir de vivre, contre l’éducation, contre l’égalité des hommes et des femmes, contre les droits de la personne…

Mais tout n’est pas noir. Pendant ces 30 dernières années une importante prise de conscience écologique a émergé dans les institutions internationales comme dans tous les mouvements sociaux du monde. Concept clé, le développement durable. Sans doute la plus grande percée conceptuelle de cette fin du 20e siècle. De cette percée découle d’importantes mobilisations liées dans une premier temps surtout à la mouvance écologiste (ONGD environnementales, partis politiques), puis dans un 2e temps liées aux syndicats, au mouvement coopératif, aux groupes de femmes, aux organisations paysannes, au mouvement altermondialiste et à toutes les organisations de solidarité internationale.

L’urgence climatique interroge nos priorités d’action collective

C’est l’urgence climatique et les échecs répétés des rencontres internationales entre États qui ont été les bougies d’allumage. Certes on peut noter une certaine indifférence des populations. Par exemple, une majorité de Canadiens, selon un récent sondage, affirment ne pas ressentir d’urgence dans le dossier des changements climatiques (55%) tout en se disant peu informés (60%). Par ailleurs, pour autant qu’on observe bien l’évolution des mouvements sociaux à cet égard, on constate au contraire leur rapidité à s’en emparer dans la dernière décennie. La plupart se sont alors donnés une politique de développement durable. Certes ces politiques sont à géométrie variable mais les dirigeants de la plupart des mouvements sont très sensibles à ce qui bouge en la matière. Le développement durable est devenu un incontournable.

En 2015, la Conférence de Paris sur le climat aura servi d’accélérateur dans un contexte où toutes sortes d’actions ont déferlé pour se défaire des énergies fossiles : le mouvement de désinvestissement à l’égard de ces énergies a pris beaucoup d’ampleur de la part de fondations d’universités (interpellées par les associations étudiantes), de régimes de retraite de syndicats (Bâtirente par ex.) et de fonds de travailleurs, d’institutions financières coopératives et même d’une partie du milieu des affaires. Voir le billet de l’économiste Gilles Bourque à ce propos et l’article du journaliste François Desjardins dans le Devoir du 28 novembre dernier.

Des centaines de milliers d’initiatives citoyennes de développement se partagent aussi le monde : cela fait partie de la conjoncture… en arrière-scène

À côté du désastre provoqué par le terrorisme international et de ce qui se fait pour contrer ce totalitarisme émergent et à côté des blocages provoqués par les multinationales des énergies fossiles pour freiner le mouvement de transition vers des économies plus sobres, il faut surtout retenir pour les fins de notre action sur la situation qu’il y a des centaines de milliers d’initiatives citoyennes de développement qui fleurissent à travers le monde, moins visibles mais bel et bien là particulièrement au Sud et notamment pour faire face à l’urgence climatique. Elles sont lancées par des associations de femmes, des organisations paysannes, des coopératives, des syndicats, des groupes de jeunes et j’en passe. Elles forment l’arrière-scène de beaucoup de pays. Elles sont peu visibles. Mais chose certaine, ces initiatives permettent d’imaginer qu’on peut changer le monde de façon démocratique et non-violente. Bref, en dépit de la conjoncture où sont littéralement déconstruites certaines régions du monde, nous pouvons faire bouger les lignes. Il ne faut cependant pas penser en progressistes un peu naïfs que ces initiatives vont inévitablement favoriser le changement du monde.

Plusieurs de ces initiatives en effet ne réussissent pas à passer l’épreuve de la durée. C’est là qu’intervient, par delà la réponse à des besoins immédiats comme celui de contrer une catastrophe écologique, la force et la pertinence d’un mouvement général de solidarité qui va de l’avant en soutenant le développement solidaire et durable des communautés, tant au plan économique que social. Voir à ce propos au Québec, la bataille du gaz de schiste des cinq dernières années ou le bilan d’Équiterre de l’année 2015. Et dans des pays du Sud, l’expérience de Villa el Salvador au Pérou ou celle d’une organisation paysanne au Sénégal.

Avec la COP 21, l’urgence climatique exige de fortes initiatives de transition

 

«L’accord de Paris marque le début d’une nouvelle ère» Étienne Leblanc, journaliste spécialisée en environnement à Radio-Canada (13 décembre 2015)

«L’accord conclu dans la capitale française implique l’arrêt de la consommation des énergies fossiles le plus rapidement possible» R.Audet (U. de Montréal) cosigné avec A.Brunel de l’AQLPA (Devoir du 14 décembre 2015)

«Il n’y aura pas d’emploi sur une planète morte» nous dit la Confédération syndicale internationale (la CSI) et «Pas de plan B parce qu’il n’y a pas de planète B»

 

« Il n’y aura pas d’emploi sur une planète morte » nous dit la Confédération syndicale internationale (la CSI) dont une partie des membres peuvent vivre une certaine inquiétude quant au sort réservé aux emplois d’entreprises fortement polluantes…Et d’autres d’ajouter : « Pas de plan B parce qu’il n’y a pas de planète B ».

Tout çà pour dire que, selon de très nombreuses organisations d’écologistes comme Greenpeace, Équiterre, l’AQLPA « le texte de l’Accord de Paris place clairement l’industrie fossile du mauvais côté de l’Histoire ». L’économiste français Maxime Combes avançait déjà en 2012 dans un article du journal Le Monde le scénario suivant :

La communauté internationale et les pays membres de l’ONU seraient donc bien avisés de déclarer un moratoire général sur toute nouvelle exploration d’hydrocarbures. Une telle décision libérerait les financements nécessaires à la transition écologique des modèles de production et de consommation. Des politiques de sobriété et d’efficacité énergétiques pourraient voir le jour, et les énergies renouvelables, plutôt que s’additionner aux énergies fossiles, pourraient s’y substituer.

Les initiatives de transition sont ainsi devenues déterminantes, davantage encore avec la conférence de Paris sur le climat tout autant celles des États et des institutions internationales que celles de la société civile.

Le Fonds norvégien frappe fort. Le gouvernement de la Norvège a osé !
Le Fonds norvégien frappe fort : en mai 2015, après l’interpellation de trois ONG dont Greenpeace, le parlement ordonne aux gestionnaires de son fonds des générations de désinvestir $8 milliards US de l’industrie du charbon. Cette décision a pris effet le premier janvier de cette année a un impact direct sur 122 entreprises dont certains géants britanniques, danois, américains, allemands. En fait le Fonds a une politique éthique remarquable qui exclue bien sûr l’industrie de l’armement et celle du tabac mais aussi celles qui commettent une violation des droits de la personne (Walmart est sur la liste des exclues), celles qui causent des dommages environnementaux (Rio Tinto et Barrick Gold sont exclues), celles qui violent des règles éthiques (Potash Saskatchewan est exclue). Et bientôt peut-être, selon l’équipe de Greenpeace dans ce pays, les sables butimineux de l’Alberta. Bref un bel exemple pour la Caisse de dépôt et de placement du Québec à qui plusieurs organisations demandent d’en faire autant.

Source : un reportage de Laura-Julie Perreault dans La Presse Affaires du 26 décembre 2015.

Des initiatives de transition écologiques arrimées au progrès social

Plusieurs institutions internationales, plusieurs États nationaux, des provinces et des villes de plus en plus nombreuses de même que des milliers d’initiatives citoyennes additionnées à celles des grandes organisations syndicales et coopératives pointent donc présentement dans la bonne direction sur un enjeu qui est tout à la fois local, national et international. Nous avons probablement raison d’espérer en dépit de ce qui se passe sur l’avant-scène internationale.

Changer le monde se voit beaucoup mieux sur une longue période historique. C’est ainsi que nous avons pu voir quelques transformations sociales majeures et durables : l’abolition de l’esclavage et l’introduction de la démocratie et de la citoyenneté avec la Révolution française au 19e siècle ; l’introduction des droits sociaux (État-providence) après celle des droits civiques et la reconnaissance de l’égalité des hommes et des femmes au 20e siècle de même que la décolonisation des pays du Sud. Ce sont là des conquêtes sociales venues pour beaucoup de mouvements sociaux, repris par des partis politiques et transformées finalement en politiques publiques.

C’est l’arrimage de la transition écologique au progrès social qui constituera la conquête sociale la plus déterminante des prochaines décennies. L’économiste Eloi Laurent et le directeur de l’Institut syndical européen Philippe Pochet (2015) en indiquent quelques balises autour de trois piliers : l’égalité, l’emploi et la protection sociale. Trois piliers déjà existants dans le cadre de l’État social de l’après-guerre mais trois piliers en reconfiguration de façon majeure pourrait-on dire car l’État est à réinventer:

  1. L’égalité se pose aujourd’hui en des termes différents car le lien est étroit entre les inégalités et les crises écologiques. Ce nouveau visage de l’inégalité s’illustre par la situation des pays les plus vulnérables aux inondations et aux sécheresses (pays du Sud) et par celle des groupes sociaux les plus vulnérables dans les pays du Nord (par exemple les quartiers populaires des villes menacés par la pollution des transports et la canicule). Levier de mobilisation par excellence, la lutte du mouvement écologique contre le changement climatique.
  2. L’emploi se pose également d’une autre façon. L’horizon social-écologique exige une restructuration des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES). Ici figure en tête de liste le soutien à la requalification de la main d’oeuvre dans la transition des emplois concernés vers des secteurs et des filières d’avenir. Au coeur de cet enjeu de requalification, le syndicalisme et comme secteur entrepreneurial témoin, celui des entreprises collectives (coopératives agricoles et forestières, fonds syndicaux et coopératifs dédiés, coopératives d’énergies renouvelables dans le solaire et l’éolien, etc.)
  3. La protection sociale suppose également d’être repensée en lien avec l’environnement. L’environnement est une cause importante de la mauvaise santé des enfants, est porteur de risques importants pour les personnes âgées en cas de canicule et peut provoquer de la pauvreté ou l’amplifie lors de chocs économiques comme les inondations de la Nouvelle-Orléans en 2005 ou celle des inondations dans la Vallée du Richelieu en Montérégie en 2010. Levier de mobilisation important, le mouvement communautaire.

Alors quelle solidarité internationale après la Conférence sur le climat et l’accueil des réfugiés [1] ?

L’internationalisation des enjeux exige que nous sortions du seul cadre national. La solidarité internationale devient plus impérative. Elle est aussi soumise à de nouveaux défis. La conférence de Paris sur le climat en est le révélateur par excellence. Dans l’ensemble des solidarités internationales en cours (entre villes, entre universités, etc.), celle développé dans la mouvance des OCI est à regarder de plus près. Cette coopération de proximité au Québec ne s’est jamais démentie depuis près de 50 ans. Elle est progressiste c’est-à-dire non partisane au plan sociopolitique, soutient le renforcement de la société civile et la démocratie dans des pays du Sud et est laïque. Des milliers d’initiatives surtout locales ont ainsi été soutenues par des OCI d’ici  (regroupées depuis 1976 au sein d’un regroupement, l’AQOCI), par le mouvement des agriculteurs (UPA DI), par le mouvement coopératif (DID et SOCODEVI), le mouvement des femmes et les syndicats. Des organisations du même type au Sud, par notre solidarité, ont vu le jour ou ont été aguerries pour mieux agir dans la durée.

Ce soutien à des communautés est fortement ancré dans la démocratie locale, dans des économies de proximité, dans la promotion de droits sociaux, dans une approche de neutralité religieuse…Il a bénéficié d’un financement public relativement consistant durant toutes ces décennies. Il a cependant subi un choc majeur fin 2011 avec la disparition de l’ACDI comme principal interlocuteur et comme source de financement encourageant des projets et des programmes définis par les OCI elles-mêmes. Ce qui a forcé toute cette coopération à se redéployer différemment au plan financier.

La finance solidaire est en train de croiser la coopération internationale de proximité

Plutôt que de miser uniquement sur le financement des pouvoirs publics, certes toujours indispensable, cette solidarité Nord-Sud est en train d’amorcer un virage vers la finance solidaire, en voulant se donner des outils financiers collectifs semblables à ceux d’ici : ceux du mouvement syndical (les caisses d’économie dans les années 60 et 70 et les fonds de travailleurs dans les années 80 et 90); ceux du mouvement coopératif (les caisses populaires et mutuelles d’assurances depuis des lunes et plus récemment des fonds dédiés au développement de PME en région); ceux des réseaux associatifs d’économie sociale au cours des années 2000 (fonds dédiés). Bref une économie non capitaliste de marché qui fait les choses autrement parce qu’elle est ancrée sur les territoires, propriété de ses membres, à lucrativité limitée et axée sur les besoins plutôt que sur l’offre.

À l’initiative de l’AQOCI, la direction prise est celle de constituer un Fonds québécois d’investissement solidaire dédié aux économies de proximité au Sud un peu comme le sont les fonds de travailleurs qui canalisent une partie des épargnes collectives de leurs membres dans une logique de prêts et de développement. Cette fois-ci ce sera pour les fins de la solidarité internationale : système de prêts rotatifs en agriculture ; prêts et garanties de prêts à des PME liées au développement notamment de banques coopératives ou communautaires, d’un tissu économique local centré sur les communautés, de PME productrices d’énergies renouvelables etc.

Avec l’entrée en scène de cette finance solidaire, le paradigme du développement ne sera plus le même : il introduit une logique qui n’est plus seulement de subventions à des fins de développement social mais une logique de prêts conduite à des fins de développement économique dont le cœur est formé d’entreprises collectives. Ce qui est très attendu de nombreux partenaires du Sud. C’est pour cette raison que le Fonds Solidarité Sud et d’autres OCI se sont autant investis dans le projet de l’AQOCI d’un fonds d’investissement dédié aux entreprises collectives au Sud.

La COP 21 impose une sortie rapide du pétrole et le développement de filières durables

L’économique, le social et l’écologique se télescopent dans une crise qui n’en finit plus. Mais l’impensé politique de cette crise globale jusqu’à cette conférence de Paris sur le climat est, à coup sûr, que sa composante écologique est d’une telle urgence qu’elle constitue désormais le principal marqueur de la situation mondiale. COP 21 en a bien démontré l’ampleur et la profondeur.

L’urgence écologique est devenue une interpellation centrale faite à nos sociétés, à leurs institutions comme à tous leurs mouvements dont la plupart s’étaient jusqu’ici focalisés sur la seule question sociale sans voir qu’elle était intimement liée à l’avenir des écosystèmes. Une partie de cet ensemble de forces sociales du local à l’international – organisations paysannes, de travailleurs, coopératives, de femmes, écologiques et de solidarité internationale – cherchent à la peine pour le moment à faire mouvement pour la construction d’un État social-écologique (Laurent, 2014; Favreau et Hébert 2012) à l’échelle locale et nationale tout en travaillant à la transposer à l’échelle de la planète. Les pistes généralement évoquées allant dans cette direction portent sur la «biodiversité» de nos économies ; sur le renouvellement de l’État social par une forte écofiscalité ; sur la fin d’une économie fondée sur les énergies fossiles et sur la consolidation d’un mouvement citoyen international. http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article54 De façon plus spécifique pour le Québec, on voit émerger des réflexions de cet ordre comme celle de François Delorme, économiste de l’environnement à l’Université de Sherbrooke dans Le Devoir de décembre dernier.

Dans la foulée de COP 21, la coopération du Québec avec des communautés du Sud va donc se diriger de plus en plus vers un développement massif de filières durables – énergies renouvelables, agriculture écologiquement intensive, aménagement durable des forêts…- tout en forçant la décroissance d’autres filières, tels le charbon et le pétrole.

Plus globalement, l’État social a été la véritable révolution économique et sociale du 20e siècle. Dans l’après-guerre cette construction politique a pris forme dans un nombre important de pays d’Europe et en Amérique du Nord. Toutefois nous ne pouvons plus rester collés sur cet héritage. L’utopie mobilisatrice de ce début de 21e siècle est celle de l’écologie politique (Lipietz, 2012). Comme il y a eu un New Deal social au 20e siècle fortement fondé sur les conquêtes sociales du mouvement ouvrier, un New Deal social-écologique est possible. Voir mon billet à ce propos.

Aller au delà l’aide humanitaire dans notre solidarité avec des communautés du Sud

Il y a une tragique disproportion dans les ressources financières et humaines consacrées au secours d’urgence par rapport à celles consacrées au développement durable des communautés. Les organisations centrées sur le secours d’urgence ont souvent plus d’argent qu’ils ne peuvent en dépenser tandis que les autres s’en tirent plutôt avec des budgets de misère (Nutt, 2014 : 163). Serons-nous condamnés à aller d’un secours d’urgence à l’autre, des réfugiés économiques aux réfugiés climatiques, puis à ceux des zones de guerre. Les initiatives qui ont le plus de portée sont celles qui s’inscrivent dans la durée en aidant des communautés à s’organiser et à réinventer l’espoir. Nos travaux de recherche à la CRDC depuis près de 20 ans l’ont 100 fois plutôt qu’une clairement démontrés.

Pour en savoir plus

[1Cette section reprend notre article du 29 décembre dernier dans Le Devoir : Favreau, L. (2015), Après COP 21 et l’accueil des réfugiés, quelle solidarité internationale ? p. 7. Page Idées.

 

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