Les questions environnementales sont la plupart du temps, et surtout en temps de crise des finances publiques, reléguées au second plan au bénéfice de la réduction des déficits publics (entre autres par les redevances anticipées ou supposées de minières, gazières et pétrolières de ce monde) [1] . Mais peut-on tolérer encore longtemps des États qui ont des politiques de laisser-faire face à l’intensification de l’exploitation des ressources naturelles et notamment des ressources énergétiques fossiles (la dernière en liste, le gaz de schiste), l’exploitation intensive de terres agricoles à des fins énergétiques (ce qui menace la biodiversité), l’utilisation des terres arables à d’autres fins (grands centres d’achat, espaces pour le parc automobile au Nord, terres pour produire des agrocarburants au Sud) ? Peut-on laisser une agriculture productiviste continuer à utiliser massivement des intrants chimiques et des pesticides en polluant les nappes phréatiques et les cours d’eau, à augmenter la distance entre la production agricole à grande échelle et les lieux de transformation et de consommation, etc. ? C’est en ces termes que s’exprimait l’organisation des Rencontres du Mont-Blanc (RMB) dans son document d’orientation discuté à Chamonix l’an dernier (pour préparer Rio+20), document produit par Mario Hébert, économiste à Fondaction et moi-même.

L’immense chantier de la solidarité internationale en matière d’agriculture et d’aménagement des forêts, celle du Québec avec des communautés du Sud nous servira d’exemple. Extraits inspirés d’un tout nouveau livre dont l’intitulé est La transition écologique de l’économie. Contribution des coopératives et de l’économie solidaire (sortie prévue au début d’octobre aux Presses de l’Université du Québec). Ce texte est aussi une de mes contributions au débat sur l’économie que les Journées québécoises de solidarité internationale ont décidé de faire cette année du 7 au 17 novembre prochain.

1. L’enjeu de l’agriculture et de l’aménagement des forêts dans le monde

La crise alimentaire est une question clé tant au plan social qu’au plan économique et écologique. La question qui tue: pourquoi des émeutes alimentaires un peu partout à travers le monde ? En effet 37 pays ont été menacés de crise alimentaire en 2008 selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Un peu partout dans le monde, le prix de l’essence a monté en flèche et celui de certaines denrées alimentaires a explosé, notamment celui des céréales. Et pour nombre de pays du Sud, cela a été et c’est le pire encore aujourd’hui en 2012 ! Cela mérite explication.

La crise alimentaire est un défi planétaire qui va de pair avec la question énergétique et le réchauffement climatique. Des enjeux tout à la fois locaux et internationaux devenus majeurs aujourd’hui. On peut pointer les responsables : des multinationales et les principaux gouvernements des pays du Nord, États-Unis en tête de même que la Chine et le Brésil au Sud. C’est une menace pour de nombreux pays du Sud dont l’agriculture nationale a été orientée vers l’exportation mettant du coup à mal la diversité de leurs produits. Menace aussi pour les agricultures nationales car la concentration autour de quelques pôles d’agriculture industrielle et le contrôle par les transformateurs et les grandes chaînes alimentaires risquent de s’accentuer. Menace également de la montée du prix du pétrole qui rend le transport des marchandises plus aléatoire. Menace écologique enfin sur l’irrigation des terres par défaut d’accès suffisant à l’eau. Autrement dit, derrière cette hausse des prix, des changements structurels sont en cours.

Au Nord et encore plus au Sud, l’enjeu de la {{souveraineté alimentaire}} est ainsi revenu à l’avant-scène internationale (GESQ, 2010). Cela tient au fait que l’agriculture et la filière alimentaire subissent, tendanciellement, le même traitement industriel et financier que les autres activités économiques : de grandes firmes multinationales pour assurer l’agrofourniture (Monsanto, Bunge, Sugenta, ADM, Dupont, etc,) ; de grandes firmes multinationales pour la transformation agroalimentaire (Nestlé, Coca-Cola, General Mills, Kraft Foods, Unilever, Smithfield Food, etc.) ; de grandes firmes multinationales pour la grande distribution de masse (Walmart, Carrefour, Tesco, etc.) dans un marché de plus en plus international mais avec peu ou pas de protections sociales.

Michel Griffon aux rencontres du Mont-Blanc (Chamonix, novembre 2011)
La question est bien posée par Michel Griffon, spécialiste international en matière d’agriculture (Griffon 2006). Il était aux RMB dans un atelier sur les agricultures et le développement durable : « Il y a de 20 à 25 millions d’exploitations dans le monde, qui font de l’agriculture industriellement intensive, ce qui représentent 30 à 40% de la production mondiale. Mais cette exploitation vit présentement une hausse des coûts de l’énergie, génère beaucoup de gaz à effet de serre, est dommage pour la biodiversité et entre dans une phase de rareté » en ce qui a trait aux engrais (dont une bonne partie dépend du pétrole) et à l’eau (étant donné le changement climatique). La demande pour plus de viande ne fait qu’accentuer les besoins en terres (production de maïs et de soya) pour alimenter le bétail. C’est notamment le problème de la Chine. Si, de plus, on va vers les agrocarburants parce que l’agriculture et la forêt sont les candidats au remplacement du pétrole, on voit tout de suite se profiler le cercle vicieux. « Puis il y a deux milliards 400 millions de petits exploitants peu mécanisés, ne disposant pas d’un régime sanitaire adéquat, peu productive et dont l’enjeu est d’accroître leurs rendements » avec, en autant que faire se peut, des techniques dont les coûts seraient faibles et une production respectant l’environnement afin de rendre les terres plus fertiles. Griffon ne s’en cachait pas, l’équation est très très difficile à résoudre. Propos recueillis à Chamonix pour le blogue Oikos.

La première « révolution verte », l’agriculture industriellement intensive, a sans doute, selon lui, amélioré le sort d’un certain nombre d’exploitants tout en diversifiant les produits pour les consommateurs des pays riches. Mais, aujourd’hui, cette agriculture est devenue polluante tout en étant laminée par le prix du pétrole appelé à devenir de plus en plus cher. L’option prometteuse est fondée sur l’écologie scientifique, une «agriculture écologiquement intensive» qui met à contribution les écosystèmes autrement. Par exemple, des insectes nuisibles à la production agricole peuvent être contrés par d’autres insectes qui en font leur proie. Ou encore le charbon de bois en poudre, lorsqu’il est réparti dans le sol, permet la rétention de l’eau et des nutriments. Bref, pour Griffon, une révolution biologique est en cours, laquelle permettrait d’abandonner le labour intensif et d’augmenter le capital fertilité dans les sols. Cette révolution biologique vaudrait tant pour les gros que pour les petits exploitants. Conditions : miser sur un investissement en main d’œuvre, investir en recherche et tabler sur une aide au développement initial. C’est la voie écologique par la recherche scientifique et par l’émergence de nouvelles techniques agricoles. L’autre voie est économique et concerne surtout les pays du Sud : restaurer la capacité de production alimentaire locale destinée aux villes plutôt qu’à l’exportation. Condition : restaurer la notion de politique agricole, qui équivaut, dans nombre de communautés du Sud, à faire véritablement la lutte à la pauvreté. À cet effet nous explorons ici quelques contributions innovatrices de coopératives et d’initiatives de l’économie solidaire du Québec dans le Sud. Puis nous dégageons ce qui revient aux États et aux institutions internationales en matière de politiques publiques pour progresser dans la même direction.

2. La solidarité internationale du Québec en matière d’économie soutenable et solidaire

2.1. Coopératives agricoles québécoises et développement durable: l’expérience bolivienne

SOCODEVI, l’organisation des coopératives québécoises en matière de solidarité internationale (mis à part la Fédération des caisses Desjardins qui a son propre relais dans le Sud, DID, Développement international Desjardins) a accompagné, depuis sa naissance en 1985, quelques 650 organisations dans des domaines aussi variés que les ressources forestières, la mise sur pied de mutuelles de santé et d’assurances ou le commerce équitable de différents produits du secteur agroalimentaire pour ne parler que de ceux-ci. Le tout dans une quarantaine de pays (Favreau et Molina, 2012). Parmi les projets réalisés, une expérience de 10 ans de collaboration avec des communautés paysannes en Bolivie se démarque assez bien.

Lorsqu’on met les efforts et les ressources suffisantes pour rejoindre les populations là où elles se trouvent, c’est-à-dire dans le milieu rural et dans le secteur agricole, on peut lutter de façon efficace contre la pauvreté et commencer à rêver d’un monde plus juste, plus solidaire et plus équitable, nous a confié en entrevue Réjean Lantagne, directeur général de SOCODEVI, en se référant au projet d’appui de son organisation au renforcement de nouvelles coopératives dans le secteur des produits agroalimentaires (des épices, des condiments et des huiles essentielles) en Bolivie. C’est SOCODEVI qui sert de passerelle entre les coopératives d’ici et celles du Sud.

C’est depuis 1998 que SOCODEVI réalise son projet d’appui aux producteurs agricoles de la région de Chuquisaca en Bolivie, projet qui visait au point de départ la diversification des activités génératrices de revenus de groupes de paysans boliviens. Après les études nécessaires de diversification et les essais de production adaptés aux particularités géographiques, climatiques et socioéconomiques de la région, le choix de la diversification s’est arrêté sur les épices et plus spécifiquement l’origan. La formation et l’assistance technique fournies ont permis aux producteurs de cultiver l’origan sur une petite superficie de leurs fermes. Générer des revenus additionnels pour les agriculteurs, grâce à l’augmentation des superficies dédiées à la diversification des cultures de l’origan et d’autres épices présentait un grand défi de viabilité économique sans oublier la nécessaire mise en œuvre de pratiques favorisant la protection de l’environnement. Ce double défi a été relevé en partie grâce à une coopération Nord-Sud (Québec/Bolivie) bâtie au fil d’une décennie entre membres de SOCODEVI d’une part, et membres de coopératives boliviennes d’autre part. En outre, le projet visait à ce que cette production soit transformée sur place et commercialisée par les mêmes coopératives.

Mais pour atteindre ce dernier objectif, il fallait obtenir une qualité de production et des volumes suffisamment intéressants pour accéder à des marchés d’exportation dans les pays de la région. Les priorités du projet ont finalement été dirigées en bonne partie vers le renforcement des capacités techniques des coopératives elles-mêmes, notamment des capacités de création et de gestion d’une entreprise de commercialisation des produits.

Les résultats, sur 10 ans, furent probants : plus de 1 000 familles de 93 communautés dans huit municipalités du Sud-Est de la Bolivie ont doublé leurs revenus grâce à la diversification de leur production agricole. D’autre part, le nombre d’agriculteurs membres de ces coopératives n’a cessé de croître. De plus la certification « bio » a permis de commercialiser leurs produits sur des marchés de niche.

En 2005, une ONG bolivienne intervenant dans le développement rural participatif, Fundacion Valles, la centrale de coopératives Agrocentral et SOCODEVI créent une coentreprise nommée Unidad de Negocios de Especias y Condimentos (UNEC) qui a pris en charge la transformation de l’origan et d’autres épices de même que leur commercialisation. L’UNEC est devenue la principale entreprise exportatrice de produits agroalimentaires de la région en direction de l’Uruguay, de l’Argentine et du Brésil.

Des études de marché et des essais se poursuivent aujourd’hui pour étendre la production à d’autres herbes aromatiques telles que le thym, le cumin et l’anis, ainsi qu’à des essences dérivées de ces plantes. C’est ainsi que la combinaison d’une participation active des dirigeants coopératifs, la volonté des agriculteurs ainsi que l’appui de SOCODEVI et de la Fondation Valles, ont rendu possible la création d’un début d’agro-industrie dans cette région de la Bolivie. Le budget de cette réalisation s’élevait à 1,4 million de dollars sur une période de 8 ans dans un partenariat de réalisation établi de concert avec Agrocentral et toutes ses coopératives affiliées. Ces dernières années, cinq autres projets, initiés par les mêmes coopératives d’Agrocentral, ont été appuyés au plan technique et financier par des coopératives agricoles du Québec membres de SOCODEVI (cinq coopératives agricoles dont la Coopérative Nutrinor au Saguenay réputée être le fer de lance de la politique de développement durable de la Coop Fédérée au Québec : voir mon article à ce propos dans Oikos.) : trois projets de construction de poulaillers de pondeuses, quatre poulaillers de poulets de chair et deux centres d’élevage du porc.

On peut retenir de cette expérience et de ce type de projet de soutien à des communautés du Sud un fil rouge : l’effet majeur d’offrir aux communautés du Sud des dispositifs économiques de nature collective susceptibles d’assurer le contrôle de leur propre développement. Cela leur permet de se défaire elles-mêmes de la pauvreté et simultanément de s’inscrire dans une démarche de développement durable.

2.2 L’expérience de coopératives forestières québécoises en Amérique latine

Le tout a commencé en 1996 par un projet d’appui à la création d’un département forestier intégré à une fédération de coopératives agricoles, celle de Las Verapaces, la FEDECOVERA, au Guatemala. Le partenaire québécois à l’origine de cet appui est une organisation membre de SOCODEVI, la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) qui mettra à profit l’expérience d’une de ses coopératives, la Coopérative forestière de Girardville au Lac St-Jean. Ce projet de diversification des activités économiques aura duré cinq ans (1996-2000) et permettra la création d’une pépinière dont la capacité de production est de plus de deux millions de plants par année, avec un service de reboisement de près de 350 hectares par année, principalement sur les terres des coopératives membres de la Fédération, en plus de la vente de plants. De même, cette Fédération de coopératives se mettra en frais d’adopter et de mettre progressivement en place une politique d’aménagement durable de la forêt. Selon SOCODEVI, au bout du compte, 1 800 familles indigènes d’origine Maya, là où cette Fédération coopérative évolue, ont bénéficié directement des résultats de ce projet.

Cela ne suffisait pas. Il fallait aller plus loin. Le partenariat avec cette Fédération s’engagea dans un projet plus ambitieux, un programme de développement de l’entrepreneuriat (le PRODEF) ayant pour but principal de consolider l’ensemble de la Fédération et de son réseau d’organisations membres au plan commercial, financier et organisationnel notamment dans un secteur privilégié par cette Fédération, la cardamome. Bien que le positionnement des petits producteurs sur les marchés internationaux de la filière cardamome apparaissait à première vue comme une utopie, grâce à ce programme qui a roulé de 2002 à 2010, la dite Fédération, au moyen de stratégies commerciales nouvelles et par la mise en place d’un système de traçabilité du producteur jusqu’au client, a réussi à devenir un acteur incontournable dans la filière cardamome guatémaltèque.

En fait, le programme a misé, au plan des stratégies commerciales, sur la participation de FEDECOVERA aux plus importantes foires alimentaires internationales et la mise en place d’un fonds de commercialisation pour accroître les volumes. Ce programme misait également sur le développement d’un marché de niche grâce, d’une part, à la mise en place de systèmes de certification et, d’autre part, au développement de relations directes, sans intermédiaire, avec des clients internationaux.

Les résultats d’affaires que le programme mis en route a permis d’atteindre sont : 1) la création et le fonctionnement du département commercial de la dite Fédération ; 2) le développement de nouveaux marchés pour la cardamome ; 3) une reconnaissance de la marque et de la qualité sur les marchés internationaux ; 4) le renforcement des systèmes administratifs dans les coopératives membres ; 5) le renforcement des capacités de séchage du produit dans les coopératives de base. Quelques résultats chiffrés de tout ça : entre octobre 2009 et septembre 2010, les bénéfices nets de la division cardamome se sont élevés à 2,3 millions de dollars et le partenaire guatémaltèque FEDECOVERA est aujourd’hui entièrement autonome. Pour la réalisation de ce projet qui disposait d’un budget de quelques 6,8 millions de dollars sur 8 années (2002-2010) et qui a appuyé également une autre fédération de coopératives agricoles dans le secteur des légumes, SOCODEVI a obtenu l’appui financier de l’ACDI comme principal partenaire financier.

Le fil rouge de cette expérience au Guatemala a été de travailler non seulement dans la durée (10 ans constitue un bon repère de durée) mais aussi de soutenir la dynamique fédérative de coopératives pour les sortir de leur isolement : fédérer des coopératives et (ou) soutenir le renforcement de fédérations sectorielles ou régionales apparaît une stratégie de développement aux effets structurants et offrant de meilleures garanties de pérennité. En outre, il est à noter que le reboisement et l’agroforesterie qui sont au cœur de la coopération de SOCODEVI avec des communautés du Sud ont pris racine dans d’autres pays en vertu de ce que notre recherche a permis de constater (Favreau et Molina, 2012).

3. Des propositions générales pour renouveler les politiques publiques

La question écologique est en train de s’imposer dans le débat démocratique tant au plan national qu’au plan international. Ce n’est pas un hasard si les réponses à l’urgence écologique ont fait partie d’une proposition centrale des Rencontres du Mont-Blanc (RMB) pour la sortie de la crise l’an dernier.

Gérald Larose de la direction des RMB lors d’une rencontre avec des militants du GESQ à Rio+20

Lettre aux chefs d’État et à leurs gouvernements par les RMB pour Rio+20
Nous demandons aux chefs d’Etat et à leurs gouvernements (en matière de transition énergétique et de transition alimentaire) :
De mettre en place prioritairement, par une éco-fiscalité appropriée, la conversion écologique de votre économie dans l’habitat (efficacité énergétique) et dans le transport (collectif et public) en collaboration avec les organisations et entreprises de l’ESS, (l’éolien, la biomasse, le solaire, le géothermique…) et le retrait, sinon le contrôle, de l’exploitation des énergies fossiles (gaz de schiste, pétrole…) en collaboration avec ces dites organisations et entreprises en misant en priorité sur les énergies renouvelables (l’éolien, la biomasse, le solaire, le thermique…) ; (proposition 15)
De construire et de mettre en œuvre des politiques de soutien à une « agriculture écologiquement intensive » et à un aménagement intégré des forêts qui s’arrimeraient aux organisations paysannes et aux coopératives agricoles et forestières qui innovent dans ces domaines (biomasse, reforestation…). Nous soutiendrons vos politiques en ce sens en appelant nos coopératives et organisations paysannes à collaborer et à se solidariser afin de placer l’innovation au cœur de leurs activités tout en s’assurant de maintenir leur indépendance vis-à-vis des Etats et des collectivités locales ; (Proposition 16)
D’appuyer résolument, de concert avec les institutions internationales le droit des peuples à la souveraineté alimentaire en sortant l’agriculture et la forêt des règles internationales du « tout au marché » dont elles sont prisonnières ; (proposition 17)
D’impulser et de réaliser une politique très volontariste de protection des écosystèmes : a) en reconnaissant et en protégeant les diverses formes de gestion des ressources naturelles, matérielles et immatérielles, qui forme l’éventail des biens communs ; b) en s’appuyant sur les entreprises collectives (coopératives, mutuelles, associations) pour passer d’une économie axée sur le maximum de profit à une économie durable ; c) en menant, avec les citoyens, la nécessaire « révolution bleue », par la promotion d’une « économie bleue » recherchant la préservation des ressources en eau et le principe de précaution dans son utilisation. (Proposition 18)
Extraits du documentation d’orientation des RMB de 2011, FIDESS.

Certes la mouvance de l’économie solidaire ne pourra à elle seule inverser l’ordre des choses à cet égard. On devra aussi compter sur la coopération internationale (celle des ONG mais aussi des États les plus progressistes), celle des mouvements paysans et celle du mouvement des travailleurs, le tout dans la perspective d’ouvrir de grands chantiers prioritaires, autrement dit des {{initiatives de caractère stratégique}} et tout particulièrement celles qui peuvent relancer l’agriculture au Sud.

En premier lieu, l’effort doit effectivement, en économie solidaire, aller au renforcement des organisations paysannes dont un grand nombre sont incapables d’exercer un quelconque poids politique sur leur gouvernement respectif parce que peu organisés et relativement éloignés géographiquement des principaux centres de décision. C’est assez largement connu mais sous-estimé comme situation : les petits agriculteurs sont évincés des priorités, notamment en Afrique, lorsque vient le temps d’établir, au sein des institutions internationales ou dans leur pays respectif, des priorités budgétaires. D’où l’importance de la coopération internationale du Québec dans ce registre comme UPA-DI l’a entrepris depuis sa fondation en 1993.

En deuxième lieu, il faut systématiquement favoriser l’organisation de coopératives liées aux organisations paysannes en milieu rural : des coopératives de commercialisation des produits de la terre pour sortir les agriculteurs de la simple autosubsistance familiale ou villageoise (dégager des surplus commercialisables), pour permettre l’intégration au marché (des niches régionales ou même internationales), l’organisation de marchés locaux (échange des produits, création de banques de semence, points de ventes d’engrais, accès à l’eau potable, à l’électricité, à des moyens de transport appropriés, etc.).

En troisième lieu, protéger l’agriculture du Sud de la concurrence internationale, l’aider à reconquérir son marché intérieur et avancer le principe de la souveraineté alimentaire mais adossée à une stratégie qui met un holà aux importations agricoles. Le Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), appuyé par UPA-DI, va dans ce sens. Mais pour ce faire, il faut des politiques agricoles de la part des États qui aient des dents. L’influence des organisations paysannes et coopératives auprès des pouvoirs publics est et sera à ce titre déterminante.

Pour en savoir plus

1) Sur le débat entourant l’économie verte : sur le blogue de la CRDC

Écologie, mouvements sociaux et développement des communautés : certains mythes ont la vie dure

L’économie verte est-elle capturée par les multinationales ?

Croissance ou décroissance ? Sommes-nous condamnés à produire toujours plus ?

2) Sur l’apport des coopératives dans le développement des communautés dans le monde

Bourque, G. , L.Favreau et E. Molina (2012), Le capitalisme en crise, quelle réponse des coopératives ? dans la revue Vie économique, vol.3, numéro 4, Éditions Vie économique, coopérative de solidarité, Montréal. Disponible gratuitement sur internet

3) Sur l’enjeu écologique en agriculture et l’apport de coopératives agricoles

Doucet, C., Favreau, L. et R. Lachapelle (2010), La souveraineté alimentaire, Université d’été du GESQ, Centre d’arts du Mont-Orford, Estrie,

Favreau, L. et E. Molina (2012), Le mouvement coopératif québécois et la solidarité internationale : l’expérience de SOCODEVI (édité par l’ARUC-DTC et SOCODEVI). Disponible sur le site du GESQ.

Griffon, M. (2006), Nourrir la planète, Ed. Odile Jacob, Paris.

Lachapelle, René (2010), Note de clôture de l’Université d’été du GESQ en Estrie

4) Sur l’approche française de l’écologie politique en matière de transition alimentaire et de transition énergétique

Lipietz, A. (2012), Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste, Éd. La Découverte, Paris.

[1] Ces déficits servent aussi de prétexte pour ne pas investir plus dans les énergies renouvelables.