Ce qu’il faut savoir du Carrefour jeunesse emploi de l’Outaouais (CJEO)

  • Le Carrefour jeunesse emploi de l’Outaouais (CJEO) est né en 1984. Il fête donc cette année 40 ans d’engagement envers la jeunesse!
  • Le CJEO est le premier Carrefour jeunesse emploi (CJE) du Québec et donc la référence pour tous les autres CJE qui ont vu le jour par la suite.
  • Les CJE sont des organismes communautaires autonomes engagés auprès des jeunes de 16 à 35 ans qui veulent cheminer vers l’emploi, les études, l’entrepreneuriat ou réaliser un projet d’avenir.
  • Les CJE sont gérés par des conseils d’administration indépendants dans lesquels sont engagés près de 1000 bénévoles.
  • Depuis la création en Outaouais du premier CJE jusqu’à aujourd’hui, plus de 800 000 jeunes ont accompagnés par 1500 intervenants œuvrant au sein de 110 CJE implantés dans chacune des 17 régions du Québec.
  • Entre le CJEO et le Fond Solidarité Sud, il y a une histoire d’amitié et de solidarité autour du désir commun de soutenir les aspirations des jeunes (au Nord comme au Sud) et de s’en donner les moyens en développant l’autonomie financière de nos organisations.

« Donner au suivant » : un parcours marqué par l’engagement

En novembre 2021, lorsque Josée Cousineau a accepté de prendre la relève à la direction générale du CJEO, cela faisait 25 ans qu’elle était au cœur du parcours d’exception de cette organisation dans une collaboration étroite avec celle qui en a été la première directrice générale, Martine Morissette. Le parcours de Josée Cousineau est inspirant à plusieurs égards. Pleins feux sur une femme exceptionnelle qui dirige une organisation d’exception qui soutient le Fonds Solidarité Sud depuis ses tout débuts en 2010.

« Je suis une franco-ontarienne née à Hawkesbury et je suis très fière de l’être! Je me suis installée au Québec à mon retour d’Asie en 1997 et je demeure très préoccupée par l’accès aux services en français pour les francophones hors Québec. Je suis très attachée à mon identité franco-ontarienne : je me suis d’ailleurs assurée que ma fille naisse en Ontario afin de pouvoir lui transmettre cette identité!

J’ai d’abord fait des études en réadaptation au Collège Algonquin à Ottawa afin de travailler avec des personnes ayant une déficience intellectuelle. J’ai travaillé dans ce domaine dans le comté de Prescott-Russell pendant 10 ans. Ma patronne de l’époque, Renée Bertrand, a vite remarqué mes habiletés de leader et m’a encouragée à aller chercher des compétences en gestion. J’ai donc entamé des études à temps partiel en administration, puis j’ai vite accédé à des postes de gestion au sein d’organisations œuvrant dans le domaine de la déficience intellectuelle.

Une des réalisations dont je suis très fière dans cette première partie de ma vie professionnelle est d’avoir construit un programme de répit pour les familles qui ont un enfant avec des besoins spéciaux. Une formation a été développée pour accréditer les personnes pouvant offrir du répit aux familles. Le programme s’appuyait sur l’idée de « donner au suivant », de mobiliser des gens ayant le désir d’en aider d’autres dans une communauté en leur donnant les outils pour le faire. Le succès de ce programme a été tel qu’on m’a demandé de le reproduire d’abord pour les proches aidants de personnes âgées de Prescott-Russell, puis pour l’ensemble de l’Ontario. Ces programmes de répit existent encore aujourd’hui.

J’ai par la suite été amenée à coordonner des tables de concertation sur les besoins des personnes âgées et des jeunes sur le territoire de Prescott-Russell. Mobiliser les gens de la communauté de Prescott-Russell sur des enjeux communs avec la volonté d’agir était très stimulant pour moi.  Puis, coup de tonnerre en 1996: je perds mon emploi lorsque le gouvernement conservateur de monsieur Harris en Ontario, choisit d’abolir la strate de planification communautaire. »

 

Exploration à l’international

« Après avoir perdu mon emploi, mon conjoint de l’époque et moi avons décidé de partir un an en Asie, en formule sac à dos et petit budget. Ce désir de connaître l’Asie découlait de l’écoute d’un film sur la guerre au Vietnam (Entre le ciel et la terre) qui nous avait profondément marqués. J’ai toujours eu la fibre communautaire – je n’ai jamais été attirée par un travail dans la fonction publique – mais lors de ce voyage en Asie, j’ai développé la fibre humanitaire. Au retour en 1997, j’étais en choc culturel face à notre monde d’abondance et j’avais un sentiment d’urgence d’aider encore plus, d’être encore plus impliquée. »

1997 : un coup de foudre professionnel avec le CJEO

« Deux semaines après mon retour d’Asie en 1997, j’ai trouvé mon premier poste au Carrefour jeunesse emploi de l’Outaouais: coordonnatrice des services d’accueil et d’orientation scolaire.

J’ai tout de suite eu un coup de foudre professionnel pour Martine Morissette, dont je relevais directement. J’ai une très très grande admiration pour elle. Quelle femme! Martine et moi avons été complices dès le début. Nous avons vécu de 25 ans de vie professionnelle où nous nous sommes toujours beaucoup respectées l’une et l’autre. Nous sommes extrêmement complémentaires. Moi je suis surtout – mais pas seulement – une femme de relations, de communication et de mobilisation. Martine est surtout – mais pas seulement – une femme de vision, d’ambition, de performance et d’efficacité. Quand on mettait ces deux personnes ensemble, ça donnait quelque chose de très beau. Nous avons réalisé des choses extraordinaires ensemble. »

Lorsque je suis arrivée au CJEO, Martine venait de revenir dans l’organisation après avoir été « prêtée » au gouvernement du Québec, où elle relevait du premier ministre pendant un an pour préparer le programme et le déploiement de CJE à l’échelle du Québec sur la base du modèle du CJEO. Des gestionnaires et des intervenants des CJE de partout au Québec venaient s’inspirer du modèle de l’Outaouais. Je suis fière d’avoir contribué à ce déploiement et aujourd’hui d’être témoin que tous les jeunes du Québec ont un CJE sur leur territoire pour répondre à leurs besoins. »

2005 : Josée passe à la direction des opérations et est chargée de l’entrepreneuriat

« Au retour de mon congé de maternité, en 2005, Martine m’a demandé d’assumer la direction des opérations, un poste nouvellement créé afin d’assurer le bon fonctionnement des activités du CJEO et de son équipe de 45 employés pendant que Martine s’investissait davantage dans le développement, les communications et plusieurs dossiers nationaux. J’assume aussi la coordination de l’équipe en entrepreneuriat où on accompagne des jeunes de moins de 35 ans à démarrer une petite entreprise. »

2007 : Josée au Pérou

« Martine Morissette a exporté le modèle CJE au Québec, mais aussi à l’international. Martine, moi et mes collègues, on accueillait les chargés de projets de l’international pour leur expliquer comment ça se passait au quotidien dans notre CJE : les services, les programmes, le modèle et la philosophie d’intervention et de gestion. J’ai pu donc contribuer encore plus en réalisant une mission au Pérou pour appuyer deux Centro Juvenes de empleo qui étaient alors en phase de démarrage.

Le « donner au suivant » est une culture que je partage personnellement et quoi de mieux que de pouvoir le vivre aussi dans mon milieu de travail. Notre expérience avec les CJE à l’international nous a démontré est que, malgré les réalités différentes à travers le monde, un jeune reste un jeune avec ses besoins, ses aspirations, sa volonté de devenir adulte et autonome. Peu importe, où tu te trouves dans le monde, les aspirations des jeunes à travers la planète se ressemblent, mais le milieu dans lequel ils évoluent est différent. »

L’école de l’argent

Un projet phare qui a aussi été mis en œuvre en 2005 au CJEO est L’école de l’argent.

« Ce projet d’éducation financière est entré un peu à contre-courant dans une organisation comme la nôtre qui travaille l’emploi, l’employabilité et l’entrepreneuriat. J’étais moi-même sceptique au début. La détermination de Martine Morissette et aussi la démonstration de résultats probants ont vite conquis les collègues. Le projet maison alors soutenu financièrement par le philanthrope Eugène Tassé, aujourd’hui décédé,  et d’autres partenaires dont Desjardins. L’école de l’argent a connu un tel succès que Desjardins s’en est largement inspiré pour développer le programme Mes finances, mes choix. En 2010-2011, avec d’autres partenaires, j’ai eu le plaisir de contribuer, à la construction de ce programme qui a ensuite été déployé sur l’ensemble du Québec et de l’Ontario avec plus 500 formateurs. Le CJEO joue encore un rôle significatif dans l’évolution de ce programme! »

2015 : Soleil et coup de tonnerre

En 2015, le CJEO obtient le Grand prix de la qualité du Mouvement québécois de la qualité, la plus grande reconnaissance offerte par le gouvernement du Québec. Josée, alors directrice des opérations a été très impliquée dans la préparation de cette mise en candidature. Ce prix prestigieux se mérite grâce à la rigueur du CJEO, sa saine gestion, ses processus systématisés, son agilité, sa flexibilité, sa capacité de mobiliser son personnel, sa proximité et son écoute de la clientèle, des bailleurs de fonds et de la communauté.

Moins d’un mois plus tard, novembre 2015, dans la foulée de la politique « d’austérité » le gouvernement libéral de Philippe Couillard, transforme le financement de base des CJE en achat de service. Les jeunes doivent dorénavant « fitter » dans des cases. Le CJEO se mobilise et tous les CJE montent aux barricades pour un retour du financement à la mission. Parallèlement, on vise toujours à accroître l’autonomie financière du CJEO. La lutte durera six ans : le financement à la mission des CJE reprendra en 2021.

« Six ans à frapper sur le même clou, avec différentes stratégies. C’est un des exemples spectaculaires de la persévérance de Martine Morissette. C’est là que j’ai vu la Martine capable de tout, y compris de défoncer les murs. Ce qui caractérise le plus Martine pour moi, c’est sa vision, sa détermination et sa persévérance. C’est une femme de marathon. Elle ne baisse pas les bras. Jamais.

La question financière est cruciale pour une organisation comme le CJEO. C’est pourquoi le Carrefour a lutté sans relâche pour retrouver un financement à la mission et s’est aussi doté d’une Fondation, et ce, dès sa création en 1986. Les fonds récoltés par la Fondation aident les participants que ce soit via des billets d’autobus, l’inscription à une formation, l’achat de livres, etc., tout pour aider un jeune à réaliser son objectif. La Fondation peut aussi aider pour pallier un manque de financement du gouvernement ou pour soutenir un programme orphelin de financement.

Assez rapidement dans son histoire, la Fondation du CJEO a sollicité un engagement sur plusieurs années de la part des partenaires privés, afin de ne pas toujours être en mode sollicitation et ainsi pouvoir consacrer les énergies de l’équipe à la réalisation de la mission. En 2019, notre organisation a reçu un don majeur, d’un million $ de la part du philanthrope Eugène Tassé qui nous a aussi légué une partie de ses archives. Ceux-ci sont mis en valeur dans les AGORAS qui portent son nom. »

Novembre 2021 : Josée prend la relève à la direction générale du CJEO

Le départ à la retraite de Martine Morissette et l’arrivée de Josée Cousineau à la direction générale se fait dans la continuité, mais Josée y met aussi sa couleur.

« Le mot continuité pour moi est important parce que je ne suis pas arrivée dans ce poste en me disant que l’organisation allait changer complètement. Nous avons tellement d’acquis communautaire, de choses qui nous ont été léguées. Je me suis plutôt demandé comment je pouvais être porteuse de ce legs là, tout en y donnant ma couleur et nous projeter dans l’avenir.

Dans les deux premières années de mon mandat de directrice générale, j’ai notamment mis l’accent sur la création et la consolidation de liens avec des partenaires de proximité, dont le milieu scolaire. L’équipe du Carrefour cherche aussi à se rapprocher du Bureau du développement de la ville de Gatineau afin de faire reconnaître son travail dans le développement de petites entreprises portées par des jeunes, un programme qui est toujours orphelin de financement. L’équipe travaille aussi beaucoup au développement de ses services pour la clientèle, notamment des nouveaux arrivants dont le nombre augmente beaucoup sur notre territoire, mais dont plusieurs rencontrent des obstacles administratifs, incluant la difficile reconnaissance des diplômes, l’accès à la citoyenneté, aux garderies, au logement, etc.

Une nouvelle planification stratégique2024-2028 sera dévoilée bientôt en juin, on y verra là de belles ambitions pour la continuité du Carrefour jeunesse emploi de l’Outaouais qui célèbre cette année ses 40 ans! »

CJEO et Fonds Solidarité Sud : un partenariat dans la durée

Dès les débuts du Fonds Solidarité Sud en 2010, le CJEO a tout de suite accepté d’être de la partie. Le CJEO a innové dans sa façon même de contribuer au Fonds.

« Les employés à l’époque contribuaient 3$ par paye pour des activités sociales. La direction a proposé que cette contribution soit dorénavant convertie en don et répartie à parts égales entre une cause au Nord et une cause au Sud. Les employés pouvaient choisir de donner plus que le minimum et le CJEO s’engageait auprès de ses employés à donner le même montant que celui récolté en dons. »

L’engagement à la fois des employés et de l’organisation dans le partenariat avec le Fonds Solidarité Sud dure depuis 14 ans. Chaque année dans le courant de l’automne, l’équipe du FSS vient présenter le travail réalisé dans l’année aux employés et aux membres de la corporation du CJEO. En 14 ans de partenariat, les dons du CJEO au Fonds totalisent plus de 70 000$.

« Pour nous, il s’agit de contribuer à l’épanouissement de la jeunesse, ici et à l’international. C’est donc naturel pour nous d’être un partenaire avec vous pour ce genre d’initiatives. J’adore travailler avec le Fonds Solidarité Sud et j’espère que ce sera une longue route ensemble. Le CJEO est fier aujourd’hui de contribuer au Fonds et d’en voir les retombées. Nous avons un engagement avec vous et c’est extrêmement important qu’on ait ce Rendez-vous annuel pour que les employés puissent voir et comprendre les retombées de ces investissements-là. C’est aussi important de continuer de contribuer à des causes au Québec. Nous sommes un joueur qui est fier de contribuer au développement de la jeunesse au Québec et à l’international. »

Lors du dîner de solidarité au CJEO en novembre 2023, Josée disait par ailleurs être impressionnée par l’effet de levier créé par l’approche partenariale du Fonds Solidarité Sud. En mobilisant des personnes volontaires pour des missions au Sud et en s’associant avec d’autres organisations québécoises, le Fonds arrive ainsi souvent à doubler, tripler ou même quadrupler le financement des projets qui sont soutenus au Sud.

Entre Josée et le CJEO, il y a une belle et grande histoire qui dure depuis 27 ans et qui n’est pas près de s’achever. Entre le CJEO et le Fonds Solidarité Sud, la belle et grande histoire dure depuis bientôt 15 ans. Souhaitons-nous longue vie dans cette collaboration porteuse de changements.

Entrevue réalisée par Nathalie McSween et Louis Favreau,
respectivement coordonnatrice et président du Fonds Solidarité Sud