Parmi les personnes ayant participé aux débuts du Fonds de Solidarité Sud se trouve ce couple de militants saguenéens, Sylvie et Louis. Ils ont donné un essor au Fonds dans leur région en réunissant des personnes préoccupées ou engagées en solidarité internationale susceptibles de soutenir le Fonds. Nous avons voulu vous les faire connaître davantage en jetant un regard sur leur parcours de plus de 50 ans avec une complicité sans pareille dans l’engagement social.

Que ce soit dans le mouvement étudiant, le monde syndical, le mouvement des femmes, le développement des coopératives ou l’organisation communautaire, ils ont été, chacun à sa manière, des acteurs du développement social et économique de communautés dans leur région et ailleurs dans le monde.

La rencontre

Sylvie et Louis se sont rencontrés au Collège de Jonquière au moment de la transition du collège classique en cégep. Louis, un nouvel étudiant arrivant d’Alma, avait participé à la création du journal étudiant de son externat classique. Sylvie était active à l’association étudiante du Collège de Jonquière; Louis s’y est intéressé et ce fut le début d’une vie à deux marquée par leur engagement social. Les études de Louis en psychologie les ont amenés dans le sud de la France, à Montpellier, où Louis s’est engagé dans l’Association des étudiants québécois en France. Leur fils François y est né au cours des trois ans passés en Languedoc.

Importance du syndicalisme dans un parcours militant

Au cours des années suivantes, Sylvie est intervenante dans le réseau de la santé et services sociaux et elle s’implique dans son syndicat local, au Conseil central de la CSN régionale et au comité national de la condition féminine dont Monique Simard,  vice-présidente  de la centrale, est l’instigatrice :  « la lutte des femmes pour les congés de maternité, les services de garde, le salaire équitable entre autres à l’intérieur du mouvement syndical auront servi de véritable lieu d’apprentissage de la démocratie dans les organisations » se rappelle Sylvie. Louis, de son côté, fait partie de l’exécutif de son syndicat jusqu’à en devenir le président et milite à la Fédération Nationale des Enseignants et Enseignantes du Québec.

Les stages internationaux : un tournant

Sylvie est enseignante depuis quelques années au département des Techniques de travail social du Cégep et est aussi membre du conseil d’administration du Centre de Solidarité Internationale (le CSI) : « Devant l’intérêt de certaines élèves pour les stages internationaux, je vois une occasion de développer des stages en Afrique en partenariat avec le Centre de solidarité internationale de la région. J’initie la démarche au département amenant des stages au Burkina Faso et j’accompagne les premiers groupes de stagiaires ». Ainsi débute un partenariat avec le CSI qui structure les parrainages avec des organismes communautaires en Afrique, ceux-ci offrant des champs de pratique aux stagiaires. Quelques années plus tard, Louis, alors responsable du département de Sciences humaines, initie à son tour des stages dans les pays du Sud profitant d’un changement du programme de formation qui offre désormais une option « Ouverture sur le monde ».

Le cégep sur la scène internationale

On peut affirmer que Sylvie et Louis, par leur engagement, ont été des bougies d’allumage de l’action du cégep à l’international pour les étudiantes et étudiants. Le Cégep de Jonquière, par la suite, continua le mouvement en soutenant la mise sur pied d’un Comité interculturel qui organisera divers événements de sensibilisation dans la communauté collégiale. La création d’un Service international relevant de la Direction générale marquera cet engagement du Cégep. Sa pérennité et son développement semblent assurés avec le nouveau directeur général, Sylvain Gaudreault, ami du Fonds.

Leaders dans leur communauté : le Lac-Kénogami

Sylvie et Louis ont laissé leur marque, pas uniquement par leur travail professionnel mais aussi dans leur communauté de vie. Ils habitent sur les bords du lac Kénogami, en périphérie de Jonquière, depuis 40 ans. Ce lac a une histoire particulière ayant été la voie d’eau pour les communications des communautés autochtones entre le Lac St-Jean et le Saguenay jusqu’à Tadoussac. Une communauté s’y est développée portant le nom de Saint-Cyriac. Dans les années 20, on rehausse le niveau du lac et ainsi, on déplace la population pour créer un réservoir. On installe le flottage dans le lac et les rivières pour acheminer le bois jusqu’aux usines de pâtes et papiers et les barrages produisent l’électricité nécessaire à leur production. En 1924, le village de Saint-Cyriac est englouti.

Sauvegarder une communauté

Dans les années 80, le point de vue des riverains ne faisant pas le poids par rapport aux contrats passés avec les industries, une association est née, l’Association pour la Protection du Lac Kénogami. Louis en a été le président pendant plusieurs années et il a mené avec d’autres plusieurs batailles pour la sauvegarde du lac et sa conservation.  L’APLK a aussi créé un petit journal qui, encore aujourd’hui, demeure un moyen d’information pour la population.

Préserver un lieu de rassemblement communautaire et culturel

Une magnifique chapelle en bois datant de 1902, témoin d’une époque où une communauté a été sacrifiée au profit du développement industriel régional, se voit menacée.

Des musiciennes professionnelles de la région, impressionnées par la sonorité de la chapelle, voulaient en faire un lieu de diffusion. Sylvie, avec sa capacité de mobilisation, a réuni autour d’elle un Comité qui offre depuis près de 15 ans des concerts créant ainsi pour la population de Lac-Kénogami et des environs une animation culturelle appréciée. Au fil des ans, les organismes et associations se regroupent et forment le réseau des organismes de lac Kénogami (ROLK). Sylvie devient la présidente de ce réseau et, avec une équipe de bénévoles, prend les actions pour assurer la pérennité de la chapelle comme lieu de rassemblement communautaire.

Création d’une Coop de Solidarité

Les citoyens ayant pris l’habitude de se mobiliser, ils ont répondu en grand nombre quand Louis, à la tête d’un petit comité, a jeté les bases d’un mouvement créant la Coop de solidarité Lac Kéno. Louis se souvient : « L’objectif était de se porter acquéreur du seul dépanneur du coin avec une station-service qui devait fermer ses portes faute de rentabilité. En rassemblant 350 membres autour de ce projet, la Coop, quelques années plus tard, a pratiquement doublé son chiffre d’affaires, ajouté une série de services et est devenue l’emblème et la fierté d’une collectivité qui se prend en main et se dote de services de proximité ».

Pionniers du Fonds de solidarité Sud

Sylvie et Louis ont été témoins des premiers balbutiements du Fonds à travers la relation établie plus tôt avec Louis Favreau et d’autres intervenants rencontrés au Groupe d’économie solidaire du Québec (le GESQ). Puis, un certain nombre de personnes du GESQ ont cherché une façon autre de contribuer à la solidarité internationale. « On souhaitait développer une dimension qui était moins présente, celle qui liait l’économique au social dans une perspective d’empowerment de collectivités du Sud en étant en contact direct avec ces dernières. C’est ce type de réflexion qui nous a ont conduit à collaborer à la mise sur pied du Fonds de Solidarité Sud ».

Des rencontres annuelles stimulantes

Au Saguenay-Lac Saint-Jean, Sylvie et Louis ont d’abord réuni plusieurs personnes sensibles au développement international. La présentation du Fonds par Louis Favreau, amène plusieurs personnes à devenir membres du « Club des Cent » qui s’engagent à verser annuellement 100$ au Fonds. Une équipe régionale a été mise sur pied et s’est assurée de tenir annuellement des rencontres d’information, avec le soutien financier du Cégep de Jonquière, et ainsi augmenter le nombre de donateurs. Louis et Sylvie se remémorent un de ces événements avec la participation d’un groupe d’agricultrices africaines en stage chez des producteurs locaux grâce à UPA DI : « Leur présence rendait concret le travail effectué par nos partenaires appuyés par le Fonds. Ce fut très stimulant pour les donateurs qui pouvaient voir le type d’impact que ces projets avaient sur le terrain dans les pays du Sud avec des partenaires tels qu’UPA DI. »

Un engagement constant

Louis a été membre du CA, puis de l’exécutif, dès les débuts du Fonds. Sylvie a également été présente au Fonds dans toutes ses étapes de développement. De plus, avec trois amis, ils ont été les premiers à souscrire une assurance-vie au bénéfice du Fonds de l’ordre de 50 000 $.

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Innovations marquantes du FSS

Louis a pu participer à la mise sur pied du FISIQ (Fonds d’investissement solidaire international du Québec). Le Fonds de Solidarité Sud en était l’idéateur, puis l’initiateur en 2014 avec UPA DI et la Caisse d’économie solidaire Desjardins. Sylvie et Louis soulignent que « le Fonds a fait de l’économie une variable stratégique de la solidarité avec les communautés du Sud.

En créant des partenariats inédits, le Fonds a ainsi permis de sortir du travail en silos trop souvent présent dans les OCI. Le Fonds a aussi introduit la notion de transition écologique dans la coopération québécoise de proximité. »

Il est enfin une des rares OCI à se doter d’un comité de Recherche et Développement, une instance importante et permanente dans le co-développement des projets.

Des retombées dans la durée

Sylvie et Louis n’en font pas mention, mais ce qu’ils ont semé tous les deux pendant ces 12 années d’intervention au Cégep a contribué à la participation d’autres intervenants. Cela a permis au Fonds de collaborer avec le Centre TERRE du Cégep (Technologies des Énergies Renouvelables et du Rendement Énergétique). Ainsi, depuis deux ans, le FSS peut compter sur un excellent chercheur en Génie électrique, Gildas Tapsoba, qui participe à des missions au Sénégal. Le Fonds a pu aisément recruter dans son conseil d’administration une personne-clé du Bureau international du Cégep, Annie-Claude Laflamme. Ce sont là des répercussions de leur leadership reconnu de tous et toutes dans le milieu collégial.

Pour terminer sur une note plus personnelle : Sylvie et Louis, des amis de longue date

L’entrevue réalisée par Zoom avec Sylvie et Louis, nos amis depuis toujours, a été l’occasion d’un retour en arrière ponctué de rires et d’obstinations sur les détails de tel ou tel événement, à l’image de notre relation depuis plus de 50 ans. Nous avons collaboré avec eux dans plusieurs actions. Sylvie et Louis ont été des modèles, des leaders, des rassembleurs. Le côté visionnaire de Louis doublé d’une capacité extraordinaire de Sylvie de mobiliser les gens nous ont toujours impressionnés.

Amicalement et solidairement,

Ginette Hubert et Gilles Fradette