Mission de deux semaines en juillet dernier dont les trois premiers jours de travail avec les représentants des GIESS,

Ce qu’il faut savoir

  • Richard Simard est coordonnateur de la Coalition Nourrir l’humanité durablement et membre du CA du FISIQ. Il est activement engagé dans la coopération Nord-Sud depuis trois décennies. De retour d’une mission conjointe du FSS et de UPA DI en juillet avec Nathalie McSween et Milder Villegas de Filaction.
  • Le Fonds Solidarité Sud travaille depuis deux ans avec un réseau interrégional de producteurs et productrices péruviens, réseau de groupes d’initiatives d’économie sociale et solidaire (GIESS) présent dans six régions du Nord-Est du pays : la Red de los GIESS Nor Oriente del Peru.
  • Après deux ans de rencontres sur le terrain et à distance (courriels, zoom, téléphones), un plan de développement a été convenu de part et d’autre autour de deux objectifs : 1) renforcer et faire reconnaître légalement le réseau d’une part et 2) se donner un premier service collectif, un fonds de crédit agricole en collaboration avec des ressources-conseils du pays.
  • Le Fonds et UPA DI viennent tout juste, au terme de cette mission, de débloquer la somme de 70 000$ courant sur trois ans (2022-2024) afin d’appuyer le réseau.

Richard Simard raconte

Cette mission s’inscrivait très clairement dans une démarche visant le « comment » du renforcement organisationnel de leur Réseau et l’évaluation avec eux des possibilités d’un premier service de crédit agricole. Cette mission avait été précédée d’une enquête-terrain à travers le nord-est du pays avec deux volontaires québécois du programme de coopération volontaire d’UPA DI à l’automne 2022. Jean-Frédéric Lemay et Tulio Portilla avaient alors pu visiter les six régions avec le coordonnateur du Réseau, Willy Amaya, et y rencontrer près de de 500 personnes. Ce premier diagnostic aura permis, de mieux comprendre la dynamique qui les avait emmenés à se constituer en réseau interrégional : « Avec ce premier diagnostic en main, la mission de juillet a ensuite pu se concentrer sur un diagnostic plus pointu à partir d’un atelier de travail avec les coordonnateurs des six régions qui s’est tenu à Lima pour ensuite donner lieu à un travail sur le terrain dans une des régions » nous dit d’entrée de jeu Richard.

Les forces en présence au sein du Réseau : quelques 1000 producteurs et productrices mobilisés dans une cinquantaine de petites et moyennes entreprises impliquées dans un des six GIESS du Réseau. Constat: un très bon ancrage territorial, un engagement réel des animateurs du Réseau depuis de nombreuses années, une bonne connaissance du terrain. Mais aussi un message clair pour nous : le sentiment d’urgence de passer à l’action avec un premier financement.

Nathalie McSween, Richard Simard, Jonathan Boudreau avec, au micro, une des animatrices de la rencontre, Hélène SimardLa mission ne visait pas à accoucher d’actions rapides et immédiates. Ce qui a pu créer une certaine impatience entre d’une part les attentes – immenses – de nos partenaires du Pérou et ce que nous pouvons effectivement offrir à court terme et même à moyen terme. Le réseau interrégional est émergent. Il ne fait que débuter sa réflexion sur le « comment » de la mise en œuvre et sur l’identification de priorités précises. À court terme, le soutien financier du Fonds Solidarité Sud et d’UPA DI est relativement modeste, mais il faut souligner que ce projet a la chance de s’inscrire dans une démarche de longue haleine qui peut s’appuyer sur un engagement moral du Fonds et d’UPA DI sur cinq ans. Cet engagement sur le moyen terme est hautement apprécié par le Réseau puisqu’il assure une certaine continuité et surtout une certaine prévisibilité. On sait que ça prend un minimum de trois à cinq ans pour bien ficeler un tel projet collectif. Opérer la jonction en six régions est loin d’être banal. Finalement tous convenaient qu’il vaut mieux être prudent et prévoyant en ayant un bon plan de développement et des provisions au plan financier pour le court mais aussi le moyen terme

La session de travail de Lima fournit quelques outils pour faire atterrir la réflexion des GIESS

Dans l’immédiat, donc, on nous a exprimé des besoins urgents, ce qui paraissait déjà dans le diagnostic de la première mission. À partir des échanges avec nos interlocuteurs s’est amorcée la construction des outils pour appuyer la réflexion des GIESS, les menant à se donner une lecture commune des besoins et de la situation des organisations membres du Réseau : leur nature (coopératives ou associations), leur taille, leurs activités économiques principales. Bref l’état réel de leur développement afin de structurer les stratégies permettant de répondre à des besoins différenciés.

Forts de ces premiers contacts intensifs, notre mission a pu se rendre sur le terrain, dans la région de Cajamarca dans le nord du pays, où nous avons pu visiter diverses entreprises et coopératives, dont une de distribution et de production de café. Toutes deux ayant été soutenues par le fonds URAPI géré par Ecotierra, une organisation tout-à-la-fois québécoise et péruvienne. Ces entreprises sont apparues comme un modèle de ce que peut espérer devenir une entreprise à succès sur un horizon d’une dizaine d’années à partir d’un soutien articulé autour de la finance solidaire.

Nous avons pu jouer un rôle informel non-prévu d’intermédiaire entre acteurs du même pays. Le fait qu’on soit de l’extérieur et engagés dans une véritable approche d’accompagnement, favorisant leur prise en charge, peut dans certaines circonstances faciliter un tel rôle. Des rencontres ont ainsi été tenus pendant notre mission avec des organisations péruviennes ayant le potentiel d’appuyer la RED, tels : Ecotierra, Fogal, Humundi (ex-SOS-Faim) et Fortalecer. Ces rencontres ont été une opportunité pour le coordonnateur du Réseau d’amorcer un dialogue avec des ressources d’accompagnement technique et financier qui interviennent dans le même secteur que le Réseau, celui de l’agriculture durable, des fermes familiales et de petites entreprises rurales.  Suite à notre séjour, somme toute récent, nous avons su que des rencontres, pour la suite des choses, avaient déjà cours entre les GIESS membres du Réseau et ces ressources-conseils. On commence donc à parler de projets plus précis qui répondent à des priorités précises et ancrées dans les différents territoires.

Les perspectives

Les perspectives sont des plus intéressantes malgré les aléas que peut générer la durée (2 ans!) du processus qui a permis de se connaître et de déterminer les contours de notre collaboration.  L’engagement sur cinq ans du Fonds Solidarité Sud, dans un tel contexte, est « extraordinaire » en assurant une continuité, une finesse dans l’accompagnement et un financement plus près de leurs besoins, tout en faisant attention à « ne laisser personne derrière ».

Pour Richard Simard, c’est un beau et grand projet, où la patience est de mise. Du coup, il souligne l’audace du Fonds Solidarité Sud (avec UPA DI et son programme de coopération volontaire) de s’associer à une telle démarche d’accompagnement d’un réseau porteur d’une économie de proximité. Les Péruviens sont un peu à l’image des Québécois, par leur ouverture mutuelle à l’économie sociale et à la finance solidaire, dont la Caisse d’économie solidaire et les fonds de travailleurs sont des exemples probants. Le FISIQ, dont le Fonds Solidarité Sud est un de ses membres les plus actifs, participe aussi à cette dynamique.

Pour en savoir plus

Visionnez l’enregistrement de la présentation de Richard Simard lors du Rendez-vous du 21 septembre 2023 Visionner