La finance solidaire québécoise dans la coopération Nord-Sud

> Visionner la période d’échange lors du Rendez-vous annuel du FSS du 24 novembre 2022  (débute à 1:12:38)

Les questions des participants en présence et en ligne ont permis à nos conférenciers de compléter et clarifier leurs propos et d’échanger entre eux. Interpellé sur la finance solidaire tel que le promeut le Fonds Solidarité Sud et le FISIQ, Gérald Larose développe sommairement l’approche de la finance solidaire et le rôle de ce Fonds international d’investissement solidaire du Québec :

Son approche en est une de prêts et de garanties de prêts, ce qui le distingue de l’héritage d’une certaine coopération internationale : on ne vise pas à nourrir la dépendance et à garder en tutelle les communautés aidées, mais à relever le défi de les rendre autonomes et indépendantes en les accompagnant, les aidant à s’auto-développer et  déterminer eux-mêmes leurs projets et modes d’action, en les aidant à acquérir  une capacité  financière « endogène » générée par leurs propres activités socio-économiques de production-distribution en alimentation. Au lieu de leur envoyer de l’argent ponctuellement, le FISIQ veut autonomiser leurs activités de financement en les aidant par exemple, comme la Caisse d’économie solidaire l’a fait au Brésil, qui a créé des Caisses d’économie solidaire adaptées à leur réalité socio-économique et culturelle et à leur rythme. On intervient comme accompagnateurs du développement de leurs outils d’épargne et de crédit, capables de générer par des garanties de prêts de l’investissement « durable » au plan local, régional et national.

Gérald Larose évoque également l’approche des « prêts rotatifs » expérimentés déjà dans plusieurs projets en Afrique et Amérique latine. Ils sont contrôlés par des membres locaux de ces caisses s’assurant de la bonne gestion des prêts, tant leur usage qu’en leur remboursement, ce qui en fait des fonds bien gérés, avec des pertes minimes.

Sylvain Gaudreault ajoute que ce modèle de finance solidaire qu’est le FISIQ, dernier maillon d’une chaîne de fonds (Fonds de solidarité de la FTQ, Fondaction à la CSN, la Caisse d’économie solidaire Desjardins…), est très important au Québec, conçu et financé au Québec par les Québécois. Alors que le niveau fédéral en est encore absent. Pour Gérald Larose, la culture et l’expérience québécoises – du genre derniers Gaulois – se prêtent sans doute mieux à une telle approche, l’action collective de défense et de promotion des intérêts des francophones ayant conduit au développement d’un mouvement coopératif plus important et actif ici que dans tout le Canada réuni.

Pour Marcel Groleau, ce modèle n’est pas unique au Québec. On le développe aussi à travers les 12 agences nationales d’Agricord pour le soutien des producteurs agricoles, mais il reconnaît que le Québec l’a perfectionné avec le FISIQ – en s’inspirant de l’approche développée en France par la Société internationale pour le développement et l’investissement, la SIDI.

Il en profite pour rappeler l’importance de reconnaître la distinction de l’alimentation en tant que bien de consommation, à la nécessité de l’exclure des ententes commerciales des marchés capitalistes et la nécessité de responsabiliser les États sur l’obligation de nourrir leur population. La convention proposée par le mouvement animé par la Coalition Nourrir l’humanité durablement permettrait d’aborder l’enjeu de l’appauvrissement et de l’insécurité alimentaire accrus, que la finance solidaire veut aider à éradiquer.

Les propos des conférenciers sur cette question ont fait dire à l’animateur Paul Thibault, organisateur communautaire de profession, qu’il se croyait dans un cours d’organisation communautaire, tellement l’approche préconisée rejoignait son expérience.

La place de la société civile et de l’Afrique à la COP27

Sylvain Gaudreault convient qu’il peut sembler paradoxal de dépenser beaucoup d’argent et de générer autant d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en participant à une telle rencontre internationale, très difficile et coûteuse d’accès. Par-delà ces contraintes, Sylvain considère que le rôle de la société civile y est important par la pression qu’elle permet sur les décideurs, en contrepoids relatif aux lobbies économiques privés, tout en admettant qu’elle a pu y être plus faible que dans les COP précédentes.

Pour ce qui est de l’Afrique, l’accès a été difficile pour plusieurs organisations citoyennes et pays. C’était complexe et coûteux pour s’y rendre, ce qui a eu pour effet de réduire leur participation. Malgré tout, la dernière journée de la COP 27 a été entièrement consacrée aux organisations de la société civile, ce qui selon lui a pu avoir une influence sur les négociations de dernière heure ayant conduit à l’adoption du Fonds sur les « Pertes et dommages » reconnu comme étant une avancée majeure, et de façon notable par les pays du Sud.

Marcel Groleau témoigne aussi du rôle de parrainage joué par les agences agricoles du Nord à l’égard des organisations du Sud, via AgriCord et UPA DI entre autres. Une forme de suivi quotidien permettait chaque matin de partager l’état des négociations avec les représentant.e.s du  monde agricole et de planifier les actions du jour.

En guise de conclusion : le dernier message de nos conférenciers

Gérald Larose : une autre économie que l’économie capitaliste mondialisée

Il faut s’assurer de la continuité dans nos engagements, en veillant à travailler à tous les niveaux où les enjeux se présentent, y compris au plan international, où les règles de sortie de crise sont à déterminer. Le modèle de mondialisation financière qui domine actuellement n’est pas tombé du ciel, mais bien conçu et appliqué à partir de la Trilatérale, qui a, depuis le début des années 1970, influencé et déterminé des décisions importantes de grands acteurs de la régulation internationale, y compris au plan politique.

Les alternatives aux conséquences engendrées par ces décisions doivent changer les règles vers une altermondialisation respectueuse du développement durable et inclusive pour toutes les « parties prenantes ».

Sylvain Gaudreault : il faut se laisser sur un message d’espoir

Il faut se laisser sur un message d’espoir face à l’effet des COP malgré leurs avancées modestes. Pour Sylvain, le « verre est à moitié plein ». La COP 27 ayant amené à des prises de conscience réelles de l’urgence climatique. J’y ai entendu un langage nouveau marquant une progression dans la compréhension de la crise et la volonté d’agir. Progression pas assez grande et rapide, certes, mais qui nous démontre qu’il faut maintenir la pression sur les nos élus et décideurs locaux et nationaux.

L’arrivée de nouvelles générations d’élus locaux et nationaux nous permet d’entretenir cet espoir. Mon entrée en politique a correspondu à l’ère des débats constitutionnels, suivie de la priorité au déficit et à la gérance de la santé… Maintenant qu’on a un plus grand nombre que jamais de députés à l’Assemblée nationale – et dans maints conseils municipaux – qui carburent ou ont baigné dans la culture de la question environnementale et climatique, on peut espérer qu’il y aura un nouveau regard plus alerte et une écoute plus attentive aux pressions de la société civile, face à l’urgence climatique et à ses plus lourdes conséquences pour les communautés du Sud.

Marcel Groleau : l’enjeu alimentaire et la crise climatique, c’est le même combat!

L’enjeu alimentaire est directement lié à la crise climatique, il en est le « prix » le plus élevé et conséquent. Les partenaires africains que j’ai côtoyés à la COP27 et avant cela ne cachent plus leur colère face à l’inaction des pouvoirs nationaux et internationaux. L’enjeu alimentaire, l’enjeu du climat : même combat, quel que soit le niveau où on l’aborde, avec le Sud comme principale victime, qui ne pourra réaliser la transition écologique sans assurer la sécurité alimentaire Avec une aide du Nord structurante mais également soucieuse de l’autonomie communautés du Sud avec lesquelles nous travaillons.

Une partie de la salle captivée par les propos de notre ami Marcel Groleau

Échos des régions par des participants présents au café Baobab et ceux qui étaient avec nous en virtuel

Catherine et André Asselin, Trois-Rivières

Mes amis, nous voulons dire combien nous avons apprécié la vidéoconférence du 24 novembre dernier. L’introduction du président ne pouvait pas être plus claire, précise, simple et…succincte😉 et les exposés tellement intéressants. Des personnes bien choisies avec un discours clair et apprenant, des exemples bien corrects.  Bref, une expérience réussie : animation, intervenants et une technique à point (son, image, chat). Bravo!

Annik Giguère de SOCODEVI, Sherbrooke

Ce fût une superbe rencontre enrichissante. Une brochette de panélistes exceptionnels !

Josée Prénoveau, Saint-Charles-sur-Richelieu

Merci à vous, c’était très intéressant et motivant !

Ginette Hubert, Mascouche, Laval

Très beau message bien ressenti de la part de nos invités. Une rencontre très signifiante et stimulante pour le Fonds

Jacques Boivin, Longueuil

Félicitations pour la belle rencontre d’aujourd’hui à Sherbrooke. Elle était de grande qualité!


Cette rencontre a été réalisée avec la participation financière de la Caisse d’économie solidaire, la coopérative financière des entreprises collectives au Québec