André Beaudoin lors du Rendez-vous annuel du Fonds Solidarité Sud 2023

Ce qu’il faut savoir

  • André D. Beaudoin est président du Fonds d’investissement solidaire international du Québec (FISIQ) depuis sa fondation en 2018 et siège au conseil d’administration du Fonds Solidarité Sud depuis 2022. Il a par ailleurs été secrétaire général d’UPA DI de sa fondation en 1993 jusqu’à sa retraite en 2019.
  • Le FISIQ est un fonds d’investissement créé en 2018 par l’Association des organismes de coopération internationale du Québec (AQOCI) afin de se donner collectivement les moyens d’améliorer l’accès au crédit des partenaires du Sud. Le Fonds Solidarité Sud et UPA DI ont été parmi les premières organisations ayant participé activement à la mobilisation qui a donné lieu à la création du FISIQ.
  • À ce jour, 15 OCI québécois ont investi une partie de leur épargne dans le FISIQ pour un total de 750 000$, (dont 470 000$ sont déjà dans les coffres du FISIQ). Le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) y a pour sa part investi un montant de 3 millions $. Filaction, une filiale de Fondaction, le fonds des travailleurs de la CSN, a investi un montant de 500 000$ mais les deux fonds de travailleurs (Fondaction et le Fonds de solidarité de la FTQ) sont dans la ligne de mire pour investir éventuellement dans le FISIQ.
  • En 2019, une entente de gestion a été conclue avec Filaction pour la gestion du portefeuille du FISIQ.
  • En 2021, une entente de partenariat a été conclue avec la Société internationale pour le développement et l’investissement (SIDI), « le FISIQ français », qui opère depuis 40 ans cette année dans le même créneau et la même approche.

André Beaudoin raconte

Dressant un bilan du FISIQ depuis sa fondation en 2018, André Beaudoin en fait remonter l’émergence lointaine au début des années 1990, alors qu’il avait participé au programme Agroforestier du Fonds de solidarité de la FTQ. Ce qui l’avait amené à inviter les présidents du Fonds de solidarité de la FTQ et de Fondaction (CSN) à participer à une activité annuelle d’UPA DI pour parler de leur approche, « dont on s’est d’ailleurs inspiré pour mettre sur pied le FISIQ en 2018. Il n’est donc pas anodin qu’on ait confié la gestion du FISIQ à Filaction, une filiale de Fondaction. » Le soutien financier à hauteur de 3 millions $ octroyé au FISIQ par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF), témoigne bien de la confiance du gouvernement du Québec à l’égard du FISIQ qui un projet inspiré de l’expérience québécoise de la finance solidaire.

En ce qui concerne le soutien par le FISIQ à des initiatives économiques au Sud, il faut d’abord souligner que l’octroi des premiers prêts au Sud a été retardé par la pandémie de Covid-19. Puis par la guerre menée par la Russie en Ukraine. En effet, un premier prêt du FISIQ avait été autorisé au début de 2022 destiné à des coopératives agricoles ukrainiennes partenaires de SOCODEVI depuis 2008. Ce prêt permettait de soutenir directement une nouvelle entreprise collective et s’inscrivait donc au cœur de la mission du FISIQ. Le risque sécuritaire a cependant été jugé trop important et le prêt n’a pas été décaissé.

C’est donc seulement en 2022 et 2023 que les premiers prêts du FISIQ ont été octroyés.

En 2022, le FISIQ octroyait ainsi un prêt au FOGAL, un fonds de garantie opérant sur le modèle de la finance solidaire au Pérou, en Bolivie et en Équateur et soutenu par Mission Inclusion. Le prêt octroyé par le FISIQ permet au FOGAL de prêter aux coopératives et associations de producteurs du Pérou qui opèrent dans le secteur du commerce équitable du café.

En 2023, Cafe Peru, une autre organisation du Pérou, cette fois soutenue par SUCO, s’est vu octroyer un financement du FISIQ sous la forme d’une participation au capital de l’entreprise. Une entente avec Sen’Finances, une institution de microfinance du Sénégal, est aussi en cours de finalisation.

Si l’on tient compte à la fois des projets dont le financement a été autorisé et de ceux qui sont assez avancés dans le processus d’analyse, le FISIQ atteindra bientôt un volume d’investissements (prêts et prise de capital) de 2 millions $ auprès de 5 partenaires du Sud.

Innover pour mettre en place des modes de financement adaptés aux réalités des partenaires

Une des particularités du FISIQ, c’est que pour la première fois, en s’impliquant activement dans sa mise sur pied et ses opérations, les 15 OCI québécois membres ont fait le choix d’explorer de nouvelles avenues plus structurantes dans leur intervention de coopération, en misant sur une autre approche de développement et, en outre, se sont engagés à soutenir le suivi des prêts auprès de leurs partenaires. Le défi, ce n’est pas le financement en tant que tel, mais d’offrir des prêts à des conditions avantageuses pour les partenaires du Sud et qui permettent aussi la rentabilité en tenant compte des conditions particulières rencontrées par les partenaires du Sud.

Le mot en vogue en coopération internationale est la « décolonisation de l’aide ». Plus facile à dire qu’à faire avec les valeurs et les modes d’intervention que nous amenons avec nous comme Occidentaux. Nos conditions usuelles de prêts s’appuient en effet sur des valeurs et des modalités peu compatibles avec les réalités de nos partenaires qui n’ont souvent pas de garanties à offrir en appui à une demande de prêt et souvent peu de capacité à démontrer une rentabilité antérieure puisque leurs activités se déploient souvent dans un contexte d’économie informelle. De même, nos visions occidentales de la démocratie et du capitalisme ne trouvent pas nécessairement d’écho chez les partenaires du Sud. Il faut donc tenir compte de ces différences dans notre approche et se mettre en mode innovation pour adapter nos modalités de prêts et d’investissement.

Est-ce que le FISIQ est rendu où il voulait être à ce moment-ci?

On n’a pas avancé aussi vite qu’on le voulait. Les taux d’intérêt que nous sommes en mesure de proposer aux partenaires du Sud sont encore trop élevés à notre goût. Dans notre souci d’intervenir dans une position d’égal à égal, ce qui implique de ne pas imposer nos valeurs et nos modes de fonctionnement, il faut être réceptif aux valeurs et modalités des partenaires et être en mode de recherche d’adaptation de nos modalités d’intervention. Comment équilibrer les besoins et aspirations des partenaires du Sud à l’avantage de nos emprunteurs avec les exigences de notre propre survie comme organisation intervenant en finance solidaire?

Nous y travaillons. Nous sommes ainsi en train de développer un programme original avec Sen’Finances, au Sénégal, où nous cherchons à nous ajuster par des compromis de part et d’autre pour trouver les modalités de financement de projets qui fassent que les gagnants en bout de ligne soient les emprunteurs. Dans la finance solidaire, où le Québec est avant-gardiste, cette recherche d’ajustement constitue l’enjeu majeur à affronter et le défi qui me motive à continuer.

Pour en savoir plus

Écoutez l’entrevue radiophonique du CÉSIQ avec le président du FISIQ, André Beaudoin.
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Visionnez le témoignage de Wilfredo Necochea, gérant du FOGAL (en espagnol) à propos du FISIQ.
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Visionnez l’enregistrement de la présentation d’André Beaudoin lors du Rendez-vous du 21 septembre 2023.
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