Par Sylvain Gaudreault, délégué du Fonds Solidarité Sud et du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) à la COP27, ex-député à l’Assemblée nationale, auteur du livre Pragmatique. Quand le climat dicte l’action politique (2021) et militant écologiste. Sylvain est directeur général du Cégep de Jonquière depuis la mi-décembre.

> Visionner la présentation de Sylvain Gaudreault lors du Rendez-vous annuel du FSS du 24 novembre 2022  (débute à 16:20)

Présentation au Rendez-vous national du Fonds Solidarité Sud du 24 novembre 2022

Mise en contexte global de la COP27

À peine revenu de la COP27, Sylvain Gaudreault rappelle que c’est la 6e COP à laquelle il a participé, comme militant cette fois plutôt qu’en tant que député. Il en profite pour renouer avec son passé d’historien et de pédagogue en faisant une rapide mise en contexte historique des COP (Conferences of the Parties) depuis le  3e Sommet de la Terre (Rio) en 1992,  qui a entraîné la Convention cadre sur les changements climatiques en 1994 dont l’objectif ultime était la « stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». S’ensuivit le Protocole de Kyoto de 1997 sur les obligations de réductions de GES à l’échelle mondiale et l’Accord de Paris de 2015, qui est venu concrétiser ces engagements en cibles précises et une feuille de route de réduction des GES d’ici 2030.

Sylvain Gaudreault évoque sommairement le cadre fonctionnel des COP et le contenu de l’Accord de Paris, ratifié par 193 États et par l’Union européenne, basé sur trois grands sous-objectifs : l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation à ses effets et la réorientation de la finance « compatible avec un profil d’évolution vers un développement à faibles émissions de GES ».

Une cible critique d’augmentation de la température a été fixée à 1.5 Celsius au-dessus des niveaux préindustriels – alors qu’on est déjà rendu à 1.3 – et on y a privilégié une approche différenciée selon les niveaux d’émission et  de responsabilités, les niveaux de risque face aux changements climatiques et la capacité d’agir des pays et des zones. De là, selon un principe de « pertes et dommages », l’obligation d’un fonds international de financement en atténuation et en adaptation de 100 milliards $/an en soutien à la transition écologique au Sud a été fixée, montant qui a ce jour n’a pas été atteint, les pays du Nord retardant à s’y investir véritablement

La COP 27 s’est tenue à la station balnéaire de Charm el-Cheikh en Egypte à 500 km au sud du Caire.

Et le Québec dans tout ça?

En 2016, le Québec a adhéré à l’Accord de Paris par une résolution unanime de l’Assemblée nationale, après avoir intégré les principes du Développement durable et les cibles de réduction des GES dans ses lois et programmes. Mais, selon Sylvain Gaudreault, une des grandes limites de ces initiatives internationales est que, par-delà les engagements formels, elles ne comportent pas d’obligations réelles ni de contraintes conséquentes en cas de non-respect.

Cette COP 27 devait permettre d’accroître et d’accélérer les efforts vers l’atteinte de la limite de 1.5 degré Celsius d’augmentation de la température. Tenue sous un leadership peu engagé par le pays hôte, l’Égypte, elle a abouti à une déclaration finale comportant certes le renouvellement de l’engagement des « parties » en faveur du 1.5 degré, mais ce fut in extremis qu’un accord sur un fonds accru pour compenser les « pertes et dommages » du Sud a été adopté. Fonds dont les détails restent encore à préciser en termes d’engagements clairs et conséquents. Et surtout, on n’a pas réussi à obtenir d’engagements fermes et clairs menant à des obligations de sortie progressive des énergies fossiles.

Les changements climatiques: et l’Afrique dans tout ça?

En conclusion, Sylvain Gaudreault précise que l’Afrique – ou les Afriques devrait-on dire – était présente et active pour faire valoir ces enjeux, à la mesure de leurs capacités d’influence, mais que les lobbys pétroliers ont pu y exercer une influence encore plus grande. Le Canada a d’ailleurs contribué à la résistance aux engagements de sortie du pétrole par son appui très ouvert au lobby du pétrole canadien. 

Les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest n’ont pas attendu. Elles sont déjà mobilisées. Reportage du journal La Presse au Sénégal. Il importe de les soutenir, d’où l’importance des programmes québécois de coopération climatique internationale.

Sylvain Gaudreault dans les médias : quelques extraits

À Radio-Canada le 13 novembre 2022 : Québec et le volet international de sa politique

Directement d’Égypte, Sylvain Gaudreault, le 13 novembre dernier à Radio-Canada (au téléjournal du Saguenay-Lac-Saint-Jean), a commenté la contribution du gouvernement du Québec de 45 millions$ pour la lutte contre le changement climatique au Québec mais…

Le montant de 45 millions $ du gouvernement du Québec annoncé à la faveur de la COP27 est une bonne nouvelle mais ne comporte pas de volet international pour le moment. Les discussions avec le ministre de l’Environnement sur place laissent cependant entrevoir une ouverture pour ce volet. À voir dans les prochains mois ce qui va bouger de ce côté-là ! Nous pensons ici au Programme de coopération climatique internationale, le PCCI, qui existe depuis un peu plus de 5 ans et de l’importance de faire progresser le développement du Fonds d’investissement solidaire international du Québec (le FISIQ) mise en route en 2019, un fonds conçu pour offrir des prêts et de garantie de prêts pour des projets de développement de communautés du Sud.

Dans le journal La Presse du 6 novembre : Un sommet qui s’annonce périlleux

Justice climatique

Il sera notamment question d’argent, à Charm el-Cheikh. Les pays en développement, plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques auxquels ils ont pourtant peu contribué, en réclament pour faire face à la crise. « Le grand thème de la COP27, c’est vraiment la justice climatique », explique l’ex-député péquiste Sylvain Gaudreault, qui sera sur place à titre de représentant du Centre québécois du droit de l’environnement et du Fonds Solidarité Sud, une organisation non gouvernementale québécoise. « Il y aura des débats sur l’engagement des pays du Nord, industrialisés, les plus riches », prévoit celui qui en sera à sa sixième COP.

« Pertes et dommages »

L’un des enjeux concerne les « pertes et dommages » causés par les changements climatiques. Une entente est recherchée afin que les pays du Nord paient la réparation des conséquences de la crise climatique dans les pays du Sud, notamment après une catastrophe naturelle, illustre Sylvain Gaudreault. « Il y a beaucoup de réticence des pays du Nord à s’embarquer là-dedans », dit-il. Un autre enjeu concerne le financement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des pays en développement et leur adaptation aux changements climatiques. Les pays industrialisés ont promis 100 milliards US par année jusqu’en 2025 et l’après-2025 reste à déterminer.

Une occasion pour le Québec

Le Québec pourrait faire preuve de « leadership » à la COP27 en s’engageant sur la question des « pertes et préjudices », espère Sylvain Gaudreault. « L’an passé, l’Écosse avait brisé le tabou en prenant l’engagement de verser 1 million de livres sterling », une première, et la Wallonie lui a emboîté le pas, dit-il, soulignant qu’il s’agit là de deux États infranationaux comme le Québec. La province pourrait aussi rattraper son retard en matière de transition juste, pour aider les travailleurs « qui vont être touchés par la transition écologique », notamment dans le domaine de l’aluminium et des transports, croit Sylvain Gaudreault. « Il faut que le Québec soit à l’avant-garde, et il ne l’est pas », tranche-t-il.

Un article du Devoir du 13 avril 2022 à propos de l’enjeu climatique dans le gouvernement du Québec

Sylvain avec Marcel à la rencontre du 24 novembre dernier à Sherbrooke

Pourtant, en matière climatique, les gouvernements doivent agir sans compromis en transports, en aménagement du territoire, en agriculture, en économie, en énergie et, évidemment, en santé. Le Conseil du trésor doit aussi agir dans l’autorisation des divers programmes gouvernementaux, dans la gestion des dépenses, en approvisionnement et pour avoir des infrastructures durables. On ne peut confier à un seul ministre, aussi écolo soit-il, toute la responsabilité de la transformation radicale de la société que cette crise sans précédent commande. Autrement dit, il faut sortir le climat de l’environnement.


Merci à la Caisse d’économie solidaire, la coopérative financière des entreprises collectives et des citoyens engagés, pour son soutien dans le projet COP27, urgence climatique et solidarité internationale. Pour mettre votre argent au service d’une économie sociale et durable : caissesolidaire.coop.