Depuis bientôt un an, le Fonds peut compter sur le travail d’une coordonnatrice à temps partiel qui assure le suivi des dossiers et les liens avec nos divers partenaires. Nous avons voulu en savoir davantage sur cette perle au parcours peu banal, même exceptionnel, marqué d’un profond engagement.

Nathalie, parle-nous de ton parcours, de ce qui t’a amenée au FSS

Ma première profession est celle d’infirmière, donc j’ai toujours eu, dans tout mon parcours, une préoccupation pour les gens que ce soit des individus, des groupes, des communautés. Pendant mes études, j’ai fait un stage en Bolivie.

Diplômée, j’ai travaillé comme infirmière à Montréal puis je suis partie travailler en Suisse où j’ai rencontré celui qui deviendra mon conjoint. Celui-ci travaillait pour une grande organisation humanitaire et s’est retrouvé en Serbie lors de la crise du Kosovo.

Je l’ai rejoint ensuite en Albanie, là où 500 000 Kosovars avaient traversé la frontière en deux semaines pour s’y réfugier, un peu comme la situation actuelle en Ukraine. J’y étais comme infirmière avec une organisation médicale américaine.

Il y avait plein de choses que je ne comprenais pas à la situation politique. Je ne venais pas d’une famille très politisée, outre sur la question nationale.

Quand je suis revenue, j’étais un peu désabusée car il y avait sur le terrain en Albanie tellement d’organisations humanitaires chacune avec leur camion! Pour moi, il y avait beaucoup de non-sens.

Comme il me manquait des clés pour comprendre ces situations, je suis retournée aux études en sciences politiques à Montréal, puis en sciences sociales à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Là, j’y ai rencontré Louis Favreau et je suis devenue son assistante de recherche.

Il m’a réconcilié avec le développement international car il apportait une autre perspective, celle du « monde qui se refait » plutôt que « du monde qui se défait », selon son expression.

C’est le monde qui s’organise dans les mouvements sociaux mais aussi autour de la solidarité économique. Ça paraît abstrait mais, dans la vraie vie, on parle de gens qui s’organisent pour créer la société qu’ils veulent.

Ça a été le début d’une longue et belle collaboration avec Louis. On a organisé plusieurs événements à l’initiative de la Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC).

J’ai fait mon mémoire de maîtrise sur la contribution au développement local du commerce équitable au Burkina Faso.  Je suis allée faire du terrain là-bas et, de fil en aiguille, je me suis intéressée au mouvement paysan.

J’ai poursuivi mes études au doctorat, toujours avec Louis et un co-directeur, un sociologue sénégalais, Abdou Salam Fall de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’ai fait ma thèse de doctorat sur le mouvement paysan ouest-africain, avec un travail de terrain au Sénégal et au Ghana.

Quand je regarde toutes ces expériences, il y a toujours eu la curiosité, un désir de comprendre. Au fil de mes recherches, j’ai rencontré des leaders paysans, des acteurs de la solidarité économique, des coopératives. J’ai trouvé ça extraordinaire.

De retour dans ma région, j’ai voulu mieux connaître la réalité québécoise et je suis allée travailler dans le « communautaire ». J’ai été directrice générale d’une table de concertation sur la faim et le développement social qui regroupait une cinquantaine d’organismes.

J’ai rencontré des gens fantastiques dans ma communauté. En parallèle, j’ai maintenu mon engagement au Fonds Solidarité Sud dont je suis membre depuis ses débuts, d’abord comme donatrice, puis dans l’équipe de l’Outaouais que j’ai coordonnée.

Finalement, j’ai été approchée par Louis pour un poste de 2 jours/semaine au Fonds, poste complété par un contrat de 3 jours/semaine comme chargée de programme à UPA DI, un partenaire important du Fonds.

J’ai choisi le Fonds pour les gens qui y sont, des personnes des milieux communautaire, coopératif, femmes et syndical, engagées dans la solidarité économique, ce qui n’est pas commun dans les OCI. On ne fait pas qu’en parler!

Des équipes travaillent avec cette approche qui signifie beaucoup parce qu’elle est structurante pour les communautés et qu’elle s’inscrit dans la durée. Le Fonds a une approche innovante, inédite.

Le travail de partenariat avec d’autres OCI est aussi une autre particularité du Fonds. On y fait même du co-développement de projets. On est à l’avant-plan des changements. La contribution du Fonds à la mise sur pied du FISIQ (Fonds d’Investissement Solidaire International du Québec) en est un bel exemple https://fisiq.org

Le Fonds est solide actuellement au niveau de la vie associative. Il s’est construit petit à petit depuis près de 12 ans sur des bases durables.

L’avenir est assuré, même au plan de la relève des comités et du C.A.

Le Fonds va bien parce que des gens s’en occupent bien. Pour moi, le co-développement, comme on est en train de le bâtir avec UPA DI, est porteur d’avenir.

Dans deux pays d’Afrique de l’Ouest, on travaille avec des organisations paysannes nationales.

Le Fonds n’aurait pas pu, à lui seul, contacter directement ces organisations car il n’avait pas ce réseau sur le terrain. On le fait en partenariat avec UPA DI qui y trouve aussi son compte, je pense, car il s’associe avec un partenaire qui partage ses valeurs. Il peut de plus s’appuyer sur le Comité Recherche et Développement du FSS qui met du temps pour étudier les dossiers liés à ces projets.

À titre d’exemple, le dossier de l’électrification rurale fondée sur les énergies renouvelables sur lequel le Fonds s’est penché pendant une année complète. Le Fonds fournit une contribution financière mais aussi l’appui de cerveaux.

On va chercher de l’expertise et on joue un rôle moteur dans la co-construction de projets avec une dimension « don » et une dimension « prêt ».

On n’a pas chômé durant la dernière année même si la pandémie a réduit les rencontres tant à l’intérieur du Fonds qu’avec les partenaires d’ici et du Sud. On ressent actuellement les limites du virtuel.

Il est primordial dans les prochains mois de rétablir des rencontres réelles. D’ailleurs, comme chargée de programme à UPA DI et coordonnatrice du Fonds, je fais partie de l’équipe qui se rendra au Sénégal au cours du mois de mai (deux semaines) pour jeter les bases du démarrage de notre projet avec les organisations paysannes qui le porteront.

 

Entrevue réalisée en mars dernier par Ginette Hubert et Gilles Fradette

Pour compléter cet entretien, nous vous invitons à lire le témoignage de Nathalie dans l’ouvrage de Louis Favreau « Le Fonds de Solidarité Sud, histoire, parcours et perspective » à la page 40 dont voici un extrait : « Ce qui m’a fascinée dès le départ dans l’approche du FSS est le fait qu’il s’agisse d’une fondation d’économie solidaire et d’un fonds de dotation, donc d’un outil financier permettant d’intervenir autrement – et longtemps – pour le développement des communautés du Sud ….. »