Par Marcel Groleau, ex-président de l’UPA, président d’UPA DI, d’AgriCord et de la Coalition Nourrir l’humanité durablement 

Présentation au Rendez-vous national du Fonds Solidarité Sud du 24 novembre 2022

Marcel Groleau, acteur de la société civile engagé dans le monde agricole au Nord (UPA) comme au Sud (AgriCord, UPA DI) a participé à la COP27 en tant que président de la Coalition Nourrir l’Humanité durablement (NHD).

> Visionner la présentation de Marcel Groleau lors du Rendez-vous annuel du FSS du 24 novembre 2022  (débute à 35:30)

La Coalition pour l’exception agricole et alimentaire, devenue par la suite Coalition Nourrir l’humanité durablement, composée de plus de 50 organisations québécoises des milieux agricoles, de la transformation, de la distribution, des mouvements syndical, environnemental et de la consommation, est née dans le cadre des négociations de 2008 sur le commerce mondial (OMC). À l’initiative et avec le support de l’UPA, qui en a assumé la présidence, cette Coalition s’est donnée comme mandat la promotion d’un projet de convention internationale balisant et protégeant la diversité agricole et alimentaire, à l’image de la Convention sur la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO.

Dans la poursuite de ce mandat, des membres de la coalition ont contribué à créer la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires de l’Université Laval (DDSA). Financée par des organisations de producteurs agricoles et le Ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF), en plus de former une alliance sur la recherche universitaire, la Chaire DDSA a su établir un réseau fort et porteur à l’échelle québécoise et internationale. En 2019, la Coalition a élaboré un projet de convention sur la diversité et la sécurité alimentaire, qui a démontré le caractère spécifique de l’alimentation aux plans commercial, social, environnemental et culturel, et surtout le déséquilibre entre le droit protégeant les échanges commerciaux via l’OMC ou les ententes bilatérales et multilatérales.

Selon Marcel Groleau, c’est à ce niveau que l’on constate que le rapport de force est toujours à l’avantage des accords commerciaux, car ils comportent des mécanismes contraignants via des clauses et mécanismes de règlements des différends qui obligent les pays signataires à les respecter sous peine de représailles. Les COP ne contiennent pas de telles mesures, les engagements des pays signataires sur l’environnement et la protection de la biodiversité ne font pas le poids par rapport aux accords de commerce. Le projet de convention mis de l’avant par la Coalition, la Chaire DDSA et leur réseau international en émergence propose cette avenue, en établissant que si le commerce est un facteur important pour assurer la sécurité alimentaire, il ne doit pas être une fin en soi.

Concernant les enjeux climatiques, M. Groleau déplore qu’on les aborde encore sur un très long terme (2050), alors que les menaces sur la sécurité alimentaire mondiale sont imminentes. Il rappelle que la rareté de l’eau est déjà un phénomène inquiétant dans plusieurs régions du monde, que la productivité agricole plafonne alors que la population mondiale augmente. Il faut trouver des solutions pour nourrir durablement l’humanité : « Quand les gens ont faim, la protection de l’environnement et de la biodiversité deviennent bien secondaires ».

L’alimentation mondiale reposant encore surtout sur le commerce et l’entreprise privée, les sécheresses de 2021 ont affecté le prix du blé, ce qui démontre encore plus la vulnérabilité des marchés agricoles face aux grandes règles de la spéculation marchande capitaliste. La COP27 risque de n’avoir été qu’un « gros show» dans une belle station balnéaire d’Égypte si on ne s’assure pas d’associer les engagements pris de clauses menant à des règles réciproques pour le commerce de la production agricole et pour la distribution alimentaire.

En conclusion, s’appuyant sur la mission de la Coalition Nourrir l’Humanité durablement, Marcel Groleau rappelle que « nourrir durablement, c’est donner un accès à tous à des aliments de qualité et en quantité suffisante, c’est produire, transformer et distribuer en limitant au maximum l’impact sur l’environnement, en favorisant les produits locaux. Et pour nourrir durablement, il faut préserver à tout prix nos richesses naturelles que sont la terre et l’eau… ».

Marcel lors des échanges avec la salle

L’enjeu alimentaire est directement lié à la crise climatique, il en constitue l’aspect le plus frappant. Les partenaires africains que j’ai côtoyés à la COP27 et bien avant ne cachent plus leur colère face à l’inaction des pouvoirs nationaux et internationaux. L’enjeu alimentaire, l’enjeu du climat : même combat, quel que soit le niveau où on l’aborde, avec le Sud comme principale victime qui ne pourra réaliser la transition écologique sans assurer sa sécurité alimentaire. Avec une aide du Nord structurante mais également soucieuse de l’autonomie des communautés du Sud avec lesquelles nous travaillons.

Note : le Fonds Solidarité Sud est devenu, depuis cette rencontre du 24 novembre dernier, membre de la Coalition Nourrir l’humanité durablement. Le CA du Fonds a délégué Gérald Larose pour nous y représenter.

AgriCord est une Alliance mondiale d’agri-agences composée de syndicats et de coopératives d’agriculteurs et de paysans du Nord et du Sud, regroupantdepuis 2003 quelque 50 organisations nationales de 12 pays, à laquelle participe activement l’UPA par le biais d’UPA DI et qui y exerce un leadership déterminant depuis ses débuts.  Selon la vision officielle qu’on peut retrouver sur son site internet, AgriCord veut contribuer au « développement de sociétés plus démocratiques, à la croissance économique dans les pays impliqués et à une distribution plus équitable et inclusive de la richesse et des revenus des petits producteurs, en particulier les femmes et les jeunes ». Elle entretient des liens de partenariat avec les grandes agences onusiennes de l’alimentation et de l’agriculture.


Cette rencontre a été réalisée avec la participation financière de la Caisse d’économie solidaire, la coopérative financière des entreprises collectives au Québec