Nous vous présentons ici le témoignage de huit québécois qui ont bien connu Abdou Salam Fall au fil des 25 ans de coopération entre ce coin de l’Afrique francophone – le Sénégal – et ce coin de l’Amérique francophone qu’est le Québec au Canada
Abdou Salam Fall, un collègue en recherche, un partenaire en action, un ami dans la vie. Plus de 25 ans de complicité !
Avec Salam, il y a eu des projets de recherche, des écrits communs, des conférences et colloques en Afrique, en Europe et au Québec. Salam laisse un héritage de recherche qui sert à renforcer le développement. Tous au Québec et au Canada connaissent ses travaux en économie solidaire. Tout en valorisant la réflexion et l’action sur le développement économique, social et politique depuis les communautés locales jusqu’à l’échelle internationale, il a toujours rappelé la présence de groupes marginalisés ou en grands besoins afin qu’ils ne soient pas mis de côté dans la vision de développement des communautés ou des États. Ainsi, lui et moi avons travaillé ensemble la question des enfants talibés, des femmes entrepreneures, des agricultrices, et autres.
Avec Salam, il y a eu le temps partagé ici et là au Sénégal pour mieux connaître son pays par l’intérieur. Dakar dans ses quartiers resplendissants comme les Almadies et La Corniche et Dakar dans des quartiers où il travaillait à entretenir l’espoir et le développement comme Grand-Yoff et des sous-quartiers du centre de Dakar. Il y a eu des moments dans le monde agricole, de la pêche et de la vie spirituelle. Je pense à Meckhé, Gorée, Kaolack, Tivaouane… J’ai eu le plaisir d’enseigner à ses étudiants et lui à mes étudiants et d’aller avec lui dans des centres communautaires de femmes. Salam n’a jamais oublié d’où il venait et me parlait fièrement de Gaya, de ses ancêtres et de l’univers tidjane. Il a aussi vécu plusieurs mois avec Louis et moi au Québec lors d’un sabbatique et, à son tour, il a découvert un morceau du Canada et surtout le Québec de l’intérieur avec ses chercheurs, ses universités, ses organismes communautaires, ses forêts, ses eaux et son peuple.
J’ai eu la chance de connaître la famille de Salam. Je suis certaine que ses filles dont il a toujours valorisé l’éducation et l’ouverture sur le monde seront des porteuses et transmetteuses de son héritage de grand humaniste. Il m’avait récemment parlé de son épouse qui souhaitait profiter encore plus de son cher Salam devenu retraité et moins chercheur-voyageur. Je lui souhaite des souvenirs apaisants. Adieu mon ami Salam. Que ton esprit et ton influence demeurent à travers tes écrits et tous ceux que tu as formés ou initiés au développement humaniste ! Taggoo jama xarit !
Louis Favreau, docteur en sociologie, professeur émérite de l’UQO et président du Fonds Solidarité Sud
Un acteur majeur de la solidarité au plan international par l’économie coopérative, sociale et solidaire
Notre grand ami, le sociologue Abdou Salam Fall, nous a laissé. Ce décès complètement inattendu (mort par crise cardiaque) nous a tous et toutes surpris. Il n’avait que 70 ans et ne laissait voir aucun problème majeur de santé. Il venait tout juste de prendre sa retraite. Ce fut un choc pour nous tous, mais de moi en particulier, après plus de 25 ans de coopération avec lui entre le Québec et le Sénégal en recherche comme en organisation de rencontres internationales d’ÉSS. Ma dernière collaboration cette année : la préface de son dernier ouvrage sur l’ÉSS au Sénégal et en Afrique fait avec ses collègues du laboratoire de recherche qu’il dirigeait à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar, le LARTES.
Abdou Salam Fall était un grand ami. Venu en sabbatique en Outaouais invité par la Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC) que j’animais, nous avons produit en commun plusieurs livres et articles. Et par-delà ce travail de chercheurs, il y avait entre nous cette complicité peu commune d’être à la fois des sociologues attentifs au monde qui se refait et des intervenants engagés dans le développement de l’économie sociale et solidaire dans nos sociétés respectives comme au plan international. Adieu Salam, tu vas me/nous manquer énormément!
Gérald Larose, universitaire, Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ), membre du Fonds Solidarité Sud et membre de la direction du Forum International des dirigeants de l’Économie Sociale et Solidaire
Abdou Salam Fall, tête intellectuelle, mais encore plus, tête d’organisations, dans son Sénégal, en Afrique de l’Ouest et au plan international
Cet homme était impressionnant dans tous les sens du terme. D’abord physiquement ! Grand, posé, au grain de voix grave et chaleureux, irradiant. Sa présence s’imposait d’elle-même. Son propos encore plus. Je l’ai côtoyé au Québec, aux États-Unis, en Europe, en Amérique Latine, dans les Caraïbes, en Afrique, et particulièrement dans son Sénégal. Partout, Abdou Salam Fall était le même.
Il était un homme de tête. Au plan intellectuel, évidemment. Chercheur de haute voltige, curieux, perspicace, ouvert, généreux dans sa cueillette d’informations, il malaxait les hypothèses pour retenir celles qui collaient le mieux aux réalités du terrain… de tout le terrain. Y compris celui souvent minoré ou oublié des communautés agricoles, rurales, africaines, d’économie informelle, etc. À chaque fois, je sortais des rencontres de travail avec lui, enrichi de sa contribution.
Tête intellectuelle, mais encore plus, Abdou Salam Fall était une tête d’organisations, dans son Sénégal, en Afrique de l’Ouest et au plan international. J’ai eu l’immense honneur d’œuvrer à ses côtés pour la construction du Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (RIPESS). L’organisation et la tenue de la formidable Conférence de Dakar de 2005 est un haut fait signée de bout en bout Abdou Salam Fall. De même, il fut déterminant dans le déploiement du Forum International des dirigeants de l’Économie Sociale et Solidaire – Rencontres du Mont-Blanc (ESS-FI) dont il assuma la présidence du comité scientifique pendant plus d’une décennie. Et il fut aussi à nos côtés dans la constitution du Groupe pilote de l’économie sociale et solidaire de l’ONU en y apportant la force de ses réseaux. Une formidable tête d’organisations, vous dis-je.
Plus intimement, avec ma conjointe Didi d’origine haïtienne, il était un de nos amis simples avec qui il faisait bon de prendre un repas, de recevoir au chalet accompagné de sa fille ou de se promener dans Paris, Dakar ou New-York, main dans la main.
Mille regrets m’habitent aujourd’hui de ne pas l’avoir remercié plus souvent pour son apport à la compréhension de l’agir humain sur tous les continents, l’africain en particulier, et pour l’honneur qu’il m’a fait de son amitié. Mille mercis Abdou Salam pour qui tu as été, pour ce que tu as fait et pour ce que tu nous laisses. Adieu l’ami !
René Lachapelle, ex-dirigeant du Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) et membre du Fonds Solidarité Sud
René Lachapelle, ex-dirigeant du Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) et membre du Fonds Solidarité Sud
Un animateur majeur de grandes rencontres internationales d’ÉSS
Ce décès m’attriste infiniment. Avec Abdou Salam Fall, nous avons eu, dans le cadre du GESQ le privilège de collaborer aux démarches de promotion de l’économie sociale et solidaire à l’échelle internationale. Je garde un vif souvenir des rencontres à Dakar où nous avons préparé la conférence internationale de 2005, et sur les rencontres avec Abdou Salam ensuite au Québec. J’ai aussi le souvenir du Forum social mondial 2011 et de l’atelier qu’il a animé avec ses collègues africains. Bref de bons souvenirs. Mon dernier contact avec lui remonte à une visite qu’il rendait à sa fille à Sherbrooke il y a quelques années. Sa récente publication Manuel de formation en économie sociale et solidaire montre que son leadership est encore bien vivant.
André Beaudoin, président du FISIQ et ex-secrétaire général de UPA DI
Un inconditionnel de l’économie solidaire
Mes plus sincères condoléances à ses amis proches et à toutes celles et tous ceux qui l’estimaient. Lors de ma dernière mission au Sénégal en janvier, j’ai eu l’occasion de le rencontrer, par hasard. Discuter avec lui était toujours riche d’enseignements. Nous avons parlé du nouveau gouvernement, entre autres. Un inconditionnel de l’économie solidaire, de sa relation avec ses amis et complices du Québec. Comme le disent les africains, lorsqu’un vieux nous quitte, c’est toute une bibliothèque qui disparaît. Dans la culture orale, c’est tout à fait réel. Pour un, il n’était pas vieux et deuxièmement, fort heureusement beaucoup de ses enseignements se sont couchés sur papier avant que lui fasse de même sur la terre qui l’a vue agir pendant si longtemps.
Martine Morissette, ex-directrice du Carrefour Jeunesse Emploi de l’Outaouais (CJEO)
Un homme rempli d’engagements citoyens
Quelle triste nouvelle. Il y a tellement de gens qui sont aujourd’hui en deuil… Tant de gens qui estimaient cet homme rempli d’engagement envers les citoyens, dont les plus jeunes, avec une réelle volonté d’améliorer leurs conditions de vie. Et c’est là qu’Abdou et moi avons connecté. Des moments qui n’auraient pas été pas été possible sans l’apport de Louis et de Lucie. Merci à vous deux !
Chacune des rencontres avec Abdou, sur nos territoires et dans nos organisations réciproques, provoquait un vent d’énergie et de complicité qui nous donnait le goût de poursuivre nos missions. Tous les deux, nous connaissions le pourquoi de notre parcours professionnel sur cette terre et nous nous sentions très privilégiés. Au revoir cher ami.
Un frère africain, un collègue, un grand sociologue du changement social et un sociologue africain significatif pour ses partenaires québécois engagés dans des pratiques d’économie sociale et solidaire
J’ai rencontré à plusieurs reprises le collègue Abdou à l’UQO quand il était professeur invité dans le cadre du programme de recherche de la Chaire de Recherche du Canada en développement des collectivités (CRDC) dont le directeur était Louis Favreau et du Centre d’étude et de recherche en intervention sociale (CERIS) dont la directrice était Lucie Fréchette.
Abdou était un érudit, un humaniste au sens premier du terme. Il était parmi les rares sociologues africains dont les recherches sont à la fois théorie et empirie, analyse théorique et enquête-terrain, fonction cognitive et fonction performative de la sociologie.
Dans le panorama de la sociologie d’Afrique francophone, Abdou Salam Fall occupe une place bien précise : le courant de la sociologie comme une science du changement social, en occurrence de l’amélioration des conditions de vie du « monde-d’en-bas » des bidonvilles des capitales africaines et des populations de l’« Afrique des villages ». D’où ses nombreuses recherches sur l’insertion des jeunes exclus des centres urbains du Sénégal et sur les projets de développement des zones rurales par des pratiques d’économie sociale et solidaire. Avec la mort subite d’Abdou Salam Fall, d’une part le Sénégal et l’Afrique perdent un grand sociologue et d’autre part, le réseau de l’UQ perd un sociologue africain significatif ami et partenaire des théoriciens et praticiens québécois d’économie sociale et solidaire. Mais le mort « C’est le Souffre des Ancêtres. Ceux qui sont partis ne sont jamais partis. Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire. Les morts ne sont pas morts ». Abdou, maintenant que tu es parti fais nous vivre le meilleur de toi.
Nathalie McSween, docteure en sciences sociales appliquées (UQO) et coordonnatrice du Fonds Solidarité Sud
Abdou Salam Fall, un excellent guide de recherche terrain au Sud, un citoyen engagé mais aussi un homme bon
Je suis fort attristée du décès d’Abdou Salam Fall. Il a été, avec Louis Favreau, mon co-directeur de thèse de doctorat (sur les mouvements paysans ouest-africains). Salam était un homme et un chercheur très respecté dans le monde paysan du Sénégal. Il a ouvert pour moi son carnet de contacts. À la mention de son nom, les portes s’ouvraient. Grâce à lui, j’ai pu rencontrer les plus grands leaders du monde paysan sénégalais et ouest-africain. Salam était par ailleurs un homme d’une grande intelligence et d’une grande rigueur scientifique. Il m’a guidée efficacement dans l’art et la manière de faire de la recherche terrain au Sénégal et, plus largement, au Sud.
Plus récemment, à l’été 2024, alors que j’étais en mission au Sénégal, Salam m’a invitée à prendre le repas du soir avec son épouse et lui. J’ai alors découvert un autre côté de cet homme que je n’avais pas revu depuis une décennie. Un homme engagé, mais aussi un homme bon. Il me disait avoir pris sa retraite récemment, mais continuer d’apporter sa contribution à l’avancement de l’économie sociale et solidaire, notamment en conseillant les hommes et femmes politiques, ainsi que les fonctionnaires. Salam avait une vision très pieuse du rôle de l’argent dans nos sociétés: l’argent pour lui ne devait surtout pas être accumulé à outrance dans des comptes d’épargne, il devait surtout – et d’abord – servir à faire le bien autour de nous. Il me disait ainsi qu’il finançait depuis des années une maison dans son village qui était ouverte à tous les pèlerins et gens de passage. Et il finançait bien d’autres choses encore. Salam était un homme bon, une inspiration pour chacun et chacune d’entre nous. Adieu cher Salam!